Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/227

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prenais pour un homme qui avait quelque chagrin. Mais je l’abandonne, le misérable ! Tirer sur Charles Hazlewood, et en présence des jeunes dames, pauvres innocentes créatures ! je l’abandonne. — Ainsi vous reconnaissez qu’un homme à qui se rapporte ce signalement a logé ici la nuit qui a précédé cet horrible attentat ? — Oui, monsieur, et toute la maison était charmée de lui : c’était un si franc et si aimable jeune homme. Ce n’était pas à cause de sa dépense, assurément, car il n’a pris qu’une côtelette de mouton, un pot d’ale, et peut-être un ou deux verres de vin. Je l’ai invité à prendre le thé avec moi, mais je ne l’ai pas porté sur le mémoire ; et il n’a pas soupé, parce qu’il était, disait-il, fatigué d’avoir marché toute la nuit précédente. J’ose affirmer maintenant que ç’a été encore pour faire quelque mauvais coup. — Sauriez-vous son nom, par hasard ? — Oui, je le sais fort bien, » répliqua l’hôtesse, maintenant aussi empressée de donner des renseignements, qu’elle l’était peu quelques minutes auparavant. « Il m’a dit qu’il s’appelait Brown, et que c’était sous ce nom qu’une vieille femme, qui a l’air d’une Égyptienne, le demanderait… Oui, oui, « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. » Oh, le misérable ! Du reste, monsieur, le matin avant de partir, il paya son mémoire fort honnêtement, et donna quelque chose pour la servante ; car, voyez-vous, Grizzy n’a pas d’autres gages, si ce n’est deux paires de bas neufs par année, et des étrennes au premier de l’an. » Ici Glossin jugea nécessaire d’interrompre la bonne dame et de la rappeler à la question.

« Il me dit donc : S’il vient une personne de telle façon demander M. Brown, vous lui répondrez que je suis allé voir les patineurs sur le lac Creeran, comme vous l’appelez, et que je serai de retour pour dîner ; — mais, nous ne l’avons jamais revu. Cependant je l’attendais, si bien que je préparai moi-même une fricassée de poulet à son intention et un ragoût de têtes de merluches : et c’est ce que je ne fais pas ordinairement, monsieur Glossin. Mais j’étais bien loin de penser au coup qu’il allait faire : tirer sur M. Charles, l’innocente créature ! »

M. Glossin, comme un habile interrogateur, avait laissé le témoin donner carrière à sa surprise et à son indignation ; il lui demanda ensuite si la personne suspectée n’avait pas laissé chez elle quelques effets ou papiers.

« Si vraiment. Il m’a laissé un paquet, un petit paquet, et m’a donné aussi quelque argent pour lui acheter une demi-douzaine de