Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/211

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assez vif pour exiger quelque adresse du navigateur, mais non pour lui inspirer des craintes sérieuses. Ainsi donc, tout bien considéré, Mathilde, je pense que vous auriez dû avoir pour père le mien, avec l’orgueil de ses armes et de ses ancêtres, son point d’honneur chevaleresque, ses hautes connaissances, ses études abstraites et mystérieuses ; et pour amie Lucy Bertram, qui compte des aïeux dont le nom est aussi difficile à retenir qu’à orthographier, et maîtres jadis de tout ce pays romantique ; Lucy dont la naissance arriva, comme on me l’a dit confusément, au milieu de circonstances d’un intérêt profond et particulier. Vous auriez dû aussi avoir notre habitation d’Écosse, entourée de montagnes, et nos promenades solitaires dans les ruines. Moi j’aurais eu en échange les plaines, les bosquets, les cabinets de verdure, les serres de Pine-Park, avec votre bonne, douce et indulgente tante, sa chapelle le matin, sa méridienne après dîner, sa partie de whist le soir, sans oublier ses chevaux de carrosse bien gras et son cocher plus gras encore. Faites attention cependant que Brown n’est pas compris dans l’échange proposé ; sa bonne humeur, sa conversation animée, sa galanterie franche, conviennent à mon plan de vie, aussi bien que ses formes athlétiques, ses beaux traits et son esprit élevé s’accorderaient avec le caractère d’un héros de chevalerie. Mais puisque nous ne pouvons changer notre sort, je pense que nous devons nous contenter de ce que nous sommes. »



CHAPITRE XXX.

L’ASSAUT.


Je n’accepte pas votre défi ; si vous parlez si rudement, je barricaderai ma porte contre vous. — Voyez-vous cette fenêtre, Storm ? — Je ne crains rien, étant au service du bon duc de Norfolk.
Le joyeux Diable d’Edmongton.


julia mannering à mathilde marchmont.

« J’ai été malade, ma très chère Mathilde, et je quitte le lit pour vous raconter les étranges et effrayantes scènes qui viennent d’avoir lieu. Hélas ! combien l’on a tort de plaisanter sur l’avenir. Je terminais ma dernière lettre fort gaîment par quelques remarques bouffonnes sur votre goût pour les aventures romanesques et extraordinaires, pour les ouvrages d’imagination. Combien j’étais