Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/194

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baissement, peuvent rarement étouffer : rien n’y respirait l’humanité. Quel que fût le motif qui la portait à le secourir, il ne provenait pas d’un sentiment de compassion, mais d’une idée secrète, et probablement capricieuse, qu’il ne pouvait pénétrer : peut-être une ressemblance imaginaire, telle que celle que lady Macbeth crut trouver entre le monarque endormi et son père.

Telles étaient les réflexions qui se succédaient rapidement dans l’esprit de Brown pendant qu’il regardait cette femme extraordinaire. Cependant la bande semblait ne pas approcher, et il fut sur le point d’en revenir à sa première intention d’essayer de sortir de la hutte, maudissant son irrésolution qui l’avait fait consentir à se cacher dans un endroit où la fuite et la résistance lui étaient également impossibles.

Meg Merrilies semblait aussi aux aguets. Elle prêtait l’oreille à tous les sons qui pénétraient à travers les antiques murailles ; elle retournait vers le défunt, trouvait toujours quelque chose à arranger ou à déranger dans sa position. « C’était un beau corps, se disait-elle à elle-même, et il vaut la peine d’être bien enterré. » Cette horrible occupation semblait lui causer une sorte de plaisir, et les détails minutieux dans lesquels elle entrait révélaient en elle une grande expérience. Un manteau de marin, qu’elle trouva dans un coin, fut disposé pour servir de linceul : elle laissa le visage du mort découvert, lui ferma la bouche et les yeux, puis arrangea les collets du manteau de manière à cacher les traces sanglantes et à donner au corps, comme elle le disait elle-même, « un air plus décent. »

Dans ce moment trois ou quatre hommes, que les figures et les vêtements pouvaient faire reconnaître pour des brigands, se précipitèrent dans la chambre. « Meg, membre de Satan, comment osez-vous laisser la porte ouverte ? » tels furent les premiers mots du chef de la bande.

« Et qui a jamais entendu dire qu’il fallût fermer la porte lorsqu’un homme est sur son lit de mort ? Comment l’esprit pourrait-il passer à travers des verroux et des barreaux comme ceux-ci ?

— Il est donc mort ? » dit l’un d’eux en allant vers le lit pour regarder le cadavre.

« Oui, oui, et bien mort, dit un autre. Mais il y a ici de quoi passer le temps en gardant son corps. « À ces mots, il alla chercher dans un coin un baril de liqueur forte, tandis que Meg se hâtait de leur préparer des pipes et du tabac. L’activité qu’elle mettait à les