Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/192

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Il faut que j’ouvre la porte. » Se levant alors, elle se tourna vers la porte de la chambre, observant soigneusement de ne point tourner la tête derrière elle ; et, tirant un verrou ou deux, car, malgré l’apparence misérable de la chaumière, la porte était bien fermée, elle leva le loquet en disant :

Fermeture, ouvre-toi ; lutte, sois donc finie ;
Viens, mort ; et disparais, ô vie !

Brown, pendant ce temps, avait quitté son poste, et se trouva devant elle lorsqu’elle ouvrit la porte. Elle recula d’un pas, et il entra, quoiqu’il reconnût à l’instant, non sans une sensation désagréable, la même Égyptienne qu’il avait rencontrée à Bewcastle. Elle le reconnut aussi ; et son attitude, sa figure et l’anxiété peinte sur ses traits, lui donnaient l’air de la bonne ogresse d’un conte de fées, qui avertit un étranger de ne pas entrer dans la demeure inhospitalière de son mari. Les premiers mots qu’elle prononça (en levant les mains d’une manière de reproche) furent : « Ne vous avais-je pas dit : Ne faites rien, ne vous mêlez de rien ? Prenez garde au coup rougissant[1] ! vous êtes venu dans une maison où la mort n’est point naturelle. » À ces mots elle prit la lampe, en tourna la lumière vers la figure du moribond, dont les traits durs et défigurés étaient alors dans les convulsions de l’agonie. Une bande de linge qui entourait sa tête était teinte de son sang, dont la couverture et la paille étaient aussi inondées. Il était facile de voir qu’il ne mourait pas d’une mort naturelle. Brown tressaillit et recula à cet horrible spectacle, et se tournant vers l’Égyptienne, il s’écria : « Malheureuse femme ! qui a tué cet homme ? — Ceux à qui cela était permis, » répondit Meg Merrilies en examinant d’un œil attentif et perçant les traits du malheureux mourant ; « il a eu une longue lutte, mais il s’en va ; je savais qu’il était près de mourir

  1. The redding straik. Le coup rougissant, à la lettre, est un coup reçu par un homme qui se jette entre deux combattans pour les blesser ou les séparer, et on l’emploie proverbialement, dit l’auteur, pour dire le coup le plus dangereux qu’un homme puisse recevoir. a. m.