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Elle était si faible, qu’il lui fut difficile de reconnaître la nature de cet édifice. Il paraissait être un bâtiment carré, d’une moyenne grandeur, dont la partie supérieure était entièrement en ruine. Peut-être ce bâtiment avait-il été, à une époque reculée, l’asile de quelque petit propriétaire, ou un lieu de refuge et de défense en cas de nécessité pour un personnage plus important. La voûte de l’étage inférieur subsistait encore, et formait le toit de l’édifice. Brown s’avança vers le lieu d’où venait la lumière. C’était une longue et étroite fenêtre ou meurtrière comme on en trouve dans les vieux châteaux. Curieux de reconnaître l’intérieur de cette étrange demeure avant d’y pénétrer, Brown regarda par cette ouverture et découvrit une scène de désolation. Un grand feu était allumé au milieu de la chambre, et la fumée dont elle était remplie s’échappait par une ouverture pratiquée au haut du plafond. Les murs, qu’éclairait une sombre lueur, semblaient appartenir à une ruine de deux ou trois siècles au moins. Un ou deux tonneaux, des malles brisées et plusieurs ballots, étaient pêle-mêle dans l’intérieur. Mais ce qui attira surtout l’attention de Brown, ce furent les habitants. Sur un grabat de paille recouvert d’une seule couverture, gisait un homme tellement immobile, que Brown l’aurait pris pour un cadavre s’il eût été couvert des vêtements qui annoncent la mort. Un second coup d’œil lui fit voir que bientôt ce ne serait plus qu’un cadavre, car il entendit un de ces soupirs rauques, pénibles et entrecoupés, qui précèdent la séparation de l’âme d’avec le corps. Une femme vêtue d’une longue robe était assise sur une pierre à côté de cette misérable couche, ses coudes appuyés sur ses genoux, et sa figure, que la lumière d’une lampe de fer, placée derrière elle, n’éclairait pas, tournée vers celle du moribond. De temps en temps elle lui mouillait les lèvres avec une liqueur contenue dans un vase à demi brisé ; dans les intervalles, elle chantait à voix basse et sur un ton monotone une de ces prières, ou plutôt un de ces charmes que, dans quelques parties de l’Écosse et dans le nord de l’Angleterre, le vulgaire et les ignorants ont coutume de réciter pour aider l’esprit à quitter le corps, comme on emploie le son des cloches dans l’église romaine. Elle accompagnait ces chants funèbres d’un balancement de corps, comme si elle eût voulu marquer la mesure par ce mouvement. Les paroles étaient à peu près ainsi :


chant d’agonie.

Mourant et sans espoir, pourquoi tarder encor,
Et te débattre ainsi contre une froide terre ?