Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/179

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de son terrier, la nature du terrain qui l’entourait de tous côtés, suppléaient aux avantages que lui enlevaient les chasseurs peu courtois. Les côtés du vallon étaient formés par des bancs de terre coupés à pic et par des rochers qui descendaient jusqu’au petit ruisseau qui serpentait à son extrémité : ses bords étaient garnis çà et là de touffes de broussailles ou de bouquets de genêt épineux. Les chasseurs, à pied et à cheval, se rangèrent le long des bords de ce vallon, qui, comme nous l’avons dit, était très étroit et très profond. Chaque fermier avait avec lui au moins une couple de ces énormes et hardis limiers, de cette race qui servait primitivement dans cette contrée à la chasse au daim, mais aujourd’hui bien dégénérée par son mélange avec des races communes. Le veneur, espèce de garde-bois à qui on accorde une récompense pour chaque renard qu’il détruit, était déjà au bout de la vallée, dont les échos retentissaient des aboiements de deux ou trois couples de chiens dressés à ce genre de chasse. Des bassets, au nombre desquels était toute la génération des Peper et des Mustard, avaient été envoyés en avant, sous la conduite d’un berger : des doguins, des chiens métis et de toute espèce, aboyaient en chœur. Des spectateurs, placés sur le haut des collines qui entouraient le vallon, tenaient leurs chiens en laisse, prêts à les lâcher sur le renard si, pour échapper à la poursuite des autres, il essayait de fuir de ce côté.

Ce spectacle, qui eût paru grossier à un chasseur de profession, avait pourtant quelque chose de séduisant. Ceux qui marchaient sur les sommets des collines, n’ayant que le ciel derrière eux, paraissaient se mouvoir dans les airs ; leurs chiens, impatients d’être retenus, animés par les aboiements qu’ils entendaient dans le fond de la vallée, bondissaient çà et là, mordant les courroies qui les empêchaient d’aller rejoindre leurs camarades dans la vallée, qui n’offrait pas un spectacle moins intéressant. Le léger brouillard n’était pas entièrement dissipé, en sorte que souvent l’œil ne pouvait distinguer les mouvements des chasseurs à travers une gaze flottante, qui, cédant parfois à une brise légère, découvrait tout-à-coup la scène et laissait voir le ruisseau aux eaux bleuâtres serpentant dans son lit solitaire. Alors on voyait également les bergers qui, s’élançant avec une agilité intrépide de rochers en rochers, mettaient les chiens sur la trace : dans la profondeur du vallon, ils paraissaient des pygmées. Tantôt le brouillard venait les envelopper encore, et l’on ne pouvait plus reconnaître le lieu de la chasse que par les cris des hommes et les hurlements des chiens, qui sem-