Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/158

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Le cabaret, car ce n’était rien de mieux, était situé au fond d’une petite vallée que traversait un assez fort ruisseau ; un frêne immense, contre lequel s’appuyait un appentis en terre servant d’écurie, le couvrait de ses branches. Sous ce hangar était un cheval de selle, occupé à manger son avoine. Les chaumières, dans cette partie du Cumberland, participent de la grossièreté qui caractérise celles de l’Écosse. L’extérieur de la maison prévenait peu en faveur de l’intérieur, malgré une enseigne emphatique qui représentait un pot d’ale se vidant de lui-même dans un verre, et le barbouillage hiéroglyphique placé au-dessous, par lequel on s’était efforcé d’exprimer la promesse d’un « Bon logis pour les hommes et les chevaux. » Brown n’était pas un voyageur dédaigneux ; il s’arrêta et entra dans le cabaret[1]

  1. Il est nécessaire d’expliquer au lecteur les lieux décrits dans ce chapitre. Il y a, ou plutôt il y avait, près de Gisland, qui n’avait pas encore atteint la réputation d’un nouveau Spa, une petite auberge appelée Mump’s-Hall, c’est-à-dire l’hôtel du Mendiant. C’était un cabaret, entouré de haies, où les fermiers de la frontière des deux pays s’arrêtaient souvent, pour se rafraîchir et pour faire rafraîchir leurs poneys, en se rendant aux foires et aux marchés du Cumberland ou lorsqu’ils en revenaient, et surtout ceux qui allaient ou venaient en Écosse à travers un district nu et solitaire, sans route et sans chemin, et appelé emphatiquement le désert de Bewcastle. À l’époque où les aventures rapportées dans ce roman sont supposées être arrivées, les brigands avaient déjà attaqué plusieurs fois ceux qui traversaient ce district sauvage, et Mump’s-Hall ne jouissait pas d’une bonne réputation, passant pour être l’asile des bandits qui commettaient ces déprédations.
    Un vieux Écossais bien robuste, nommé Armstrong ou Elliot, connu par le sobriquet de Fighting Charlie de Liddesdale, que l’on se rappelle encore à cause du courage qu’il déploya dans ces fréquentes escarmouches qui eurent lieu sur la frontière il y a cinquante ou soixante ans, eut l’aventure suivante dans le Waste (désert) ; elle donna l’idée de celle que rapporte le texte :
    Charlie avait été à la foire de Stagsbaw-Bank, et avait vendu ses moutons et ses vaches, en un mot tout ce qu’il avait conduit au marché, et il retournait à Liddesdale. Il n’y avait pas alors dans les provinces de ces banques où l’on peut échanger l’argent contre des billets, ce qui encourageait singulièrement le vol dans cette contrée sauvage ; car les voyageurs portaient souvent de l’or. Les brigands avaient dans les foires des espions qui leur faisaient connaître ceux dont la bourse était le mieux remplie, et ceux qui pour retourner chez eux prenaient un chemin solitaire et peu fréquenté, ceux, en un mot, qui valaient le plus la peine d’être volés et qui pouvaient l’être aisément.
    Charlie savait bien tout cela ; mais il avait une bonne paire de pistolets, et un cœur qui ne connaissait pas la crainte. Il s’arrêta à Mump’s-Hall, malgré la mauvaise réputation de cette auberge. Son cheval prit du repos et de la nourriture ; et Charlie lui-même, gaillard d’humeur un peu libre, fit le galant auprès de l’hôtesse, coquine raffinée qui fit tous ses efforts pour l’engager à passer la nuit chez elle. Le voyageur était loin de chez lui, disait-elle, et il lui fallait traverser le Waste, où la nuit le