Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/148

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l’arrangement de la bibliothèque de feu l’évêque. On l’avait envoyée de Liverpool par mer, et il n’avait pas fallu moins de trente ou quarante chariots pour la transporter du lieu du débarquement. La joie qu’éprouva Sampson à la vue de ces énormes caisses posées sur le plancher de l’appartement, qu’il devait vider pour en placer le contenu sur les tablettes, passe toute expression, il grimaça comme un ogre, agita ses bras comme les ailes d’un moulin à vent, ébranla la maison de son cri : « Pro-di-gi-eux ! » Il n’avait jamais vu, dit-il, une telle quantité de livres, excepté dans la bibliothèque du collège. Maintenant donc que, à son grand plaisir, il avait la surintendance de cette collection, il s’élevait dans son opinion au niveau du bibliothécaire de l’académie, qu’il avait toujours regardé comme le plus grand et le plus heureux de tous les hommes. Ses transports ne diminuèrent en rien lorsqu’il examina les volumes : quelques-uns, il est vrai, roulaient sur les belles-lettres, poèmes, pièces de théâtre, mémoires ; ceux-là il les jetait de côté avec dédain, en prononçant avec amertume ce seul mot : « Frivole ! » mais la plus grande partie de la collection était d’un genre tout différent : le prélat, homme d’une érudition profonde et grand théologien, avait chargé les rayons de sa bibliothèque de volumes qui portaient ces vénérables signes de l’antiquité qu’un poète moderne a décrits dans les vers suivants :

Ces livres dont le bois fournit la reliure,
Ont encore du cuir pour double couverture ;
D’une agrafe en métal ces feuillets bien serrés,
Que plus d’un siècle ainsi vit dormir ignorés ;
Ces marges que le temps macula de sa rouille
Et que la main sans cesse au toucher use et souille ;
Ces dos en relief bien conservés encor
Où le titre se lit en caractères d’or.

Des livres de théologie, de controverse ecclésiastique, des commentaires, des polyglottes, la collection des Pères de l’Église, et des sermons qui auraient pu chacun en fournir au moins dix d’aujourd’hui, des livres de sciences anciennes et modernes, les éditions les meilleures et les plus rares des auteurs classiques ; tels étaient les ouvrages qui composaient la bibliothèque de l’évêque, et sur lesquels l’œil de Dominie s’arrêtait avec délices. Il en dressa le catalogue en l’écrivant le mieux qu’il put, mettant autant de soin à former chaque lettre qu’un amant qui écrit à sa maîtresse le jour de Saint-Valentin ; il les plaçait sur les rayons un à un avec autant