Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/146

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automate qui répète le même mouvement jusqu’à ce que le ressort qui le fait agir soit enfin arrêté, Mannering dit à sa fille en lui lançant un regard sévère pour réprimer l’envie de rire qu’il remarquait en elle, et dont il avait peine à se défendre lui-même : « Voici mon bon ami M. Sampson : c’est à lui que sera confié le soin de mettre mes livres en ordre, lorsqu’ils seront arrivés, et j’espère que l’étendue de ses connaissances pourra me devenir très utile. — Je suis convaincue, papa, que ce monsieur nous rendra de véritables services ; et pour donner plus de force à mes remerciements, je puis l’assurer qu’il ne sortira jamais de ma mémoire, grâce à l’impression qu’il a produite sur moi. Mais, miss Bertram, » ajouta-t-elle bien vite en voyant que son père commençait à froncer le sourcil, « nous avons fait un long voyage ; voulez-vous bien me permettre d’aller dans ma chambre faire ma toilette pour dîner ? »

Ce peu de mots dispersa la compagnie, à l’exception de Dominie, qui, ne voyant nulle nécessité de s’habiller et de se déshabiller, si ce n’est pour se mettre au lit ou en sortir, s’occupa de quelque problème de mathématiques, jusqu’au moment où la compagnie réunie dans le salon passa dans la salle à manger.

À la fin de la journée, Mannering voulut converser un instant tête-à-tête avec sa fille.

« Eh bien ! Julia, lui dit-il, que pensez-vous de nos hôtes ? — Oh ! j’aime beaucoup miss Bertram ; mais pour l’autre, c’est le plus franc original. Vous conviendrez, papa, qu’il serait fort difficile de le regarder sans rire. — Il faut pourtant que cela soit tant qu’il restera dans ma maison ; chacun doit s’y habituer. — Mais, papa, les domestiques eux-mêmes ne pourront garder le sérieux. — Eh bien ! ils quitteront ma livrée, et s’en iront rire à leur aise. M. Sampson est un homme dont je fais grand cas à cause de sa simplicité, j’ajouterai même à cause de la générosité de son caractère. — Oh ! pour sa générosité, je n’en doute point ; car il ne peut porter à sa bouche une cuillerée de soupe sans en faire part à tous ses voisins. — Julia, vous êtes incorrigible : mais tâchez de mettre un frein à votre gaîté à ce sujet ; je ne veux pas qu’elle puisse offenser miss Bertram dans la personne de ce digne homme ; elle sentirait une mortification éprouvée par M. Sampson, plus vivement que M. Sampson lui-même. Maintenant, ma chère enfant, bonsoir. Mais n’oubliez pas qu’il y a dans le monde beaucoup de choses plus dignes cent fois d’être tournées en ridicule que la simplicité et la maladresse. »