Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/143

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toujours si bien que les enfants du village ne manquaient pas de le suivre pendant plusieurs jours. D’un autre côté, en lui amenant un tailleur pour lui prendre mesure et lui apporter ensuite ses habits, comme à un enfant qui va encore à l’école, on eût craint de le mortifier ; enfin Mac-Morlan résolut de consulter miss Bertram, et de la prier de se charger de cette importante affaire. Celle-ci l’assura qu’elle ne pouvait lui donner aucun conseil sur le choix des habits d’homme, mais que rien n’était plus facile que d’habiller à neuf Dominie.

« À Ellangowan, dit-elle, lorsque mon pauvre père pensait que quelque partie de l’habillement de Dominie avait besoin d’être renouvelée, un domestique entrait dans sa chambre pendant qu’il dormait, et il dort comme un loir, emportait l’ancien vêtement, laissait le neuf à la place : et jamais Dominie n’a paru s’apercevoir de ce changement. »

Mac-Morlan se procura donc un tailleur habile, qui, après avoir examiné attentivement Dominie, se chargea, sans qu’il fût besoin de prendre sa mesure, de lui faire deux habillements complets, l’un noir et l’autre gris foncé, garantissant qu’ils lui iraient aussi bien que cela était possible avec un homme d’une structure aussi extraordinaire.

L’ouvrage fait et livré, Mac-Morlan pensa, et avec raison, qu’il serait à propos de faire cet échange graduellement. Il fit donc retirer le soir une partie des vieux vêtements, à laquelle on en substitua de neufs. Voyant que ce moyen avait très bien réussi, on fit de même le lendemain et le surlendemain pour le gilet et pour l’habit. Quand il fut ainsi habillé des pieds à la tête, et revêtu pour la première fois de sa vie d’un habillement complet entièrement neuf, on remarqua que Dominie éprouva quelque surprise et quelque embarras. Sa physionomie prenait une expression singulière, surtout lorsqu’il venait à jeter les yeux tantôt sur un pan de son habit, tantôt sur les genoux de sa culotte, où il cherchait vainement quelque vieille tache de sa connaissance, ou quelque raccommodage en fil bleu qui, placé sur un fond noir, faisait l’effet d’une broderie ; alors il tournait son attention sur quelque autre objet. Toutefois, avec le temps, ses habits ne lui offrirent plus rien d’extraordinaire. La seule remarque qu’il fit à ce sujet, c’est que l’air de Kippletringan était favorable aux vêtements, et que les siens lui paraissaient aussi brillants que le jour où il les mit pour la première fois, lorsqu’il prononça son sermon de licence.