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ma mère lui avait permis de concevoir ; il voulait me persuader de faire la folie de m’unir à lui sans le consentement de mon père ; mais, Mathilde, jamais je ne me laisserai persuader une telle chose. J’ai résisté aux sentiments qui s’élevaient dans mon cœur pour appuyer ses paroles, je les ai domptés ; et cependant comment sortir de ce malheureux labyrinthe où nous ont engagés la fatalité et l’imprudence de ma mère.

« J’ai réfléchi sur ce sujet, Mathilde, jusqu’à en avoir des vertiges ; oui, je pense que le meilleur parti est de faire un aveu sincère à mon père. Il le mérite, car sa bonté pour moi est inépuisable. Depuis que j’ai étudié de plus près son caractère, j’ai remarqué qu’il ne devient violent et emporté que lorsqu’il soupçonne qu’on le trompe ou qu’on veut lui en imposer, et, sous ce rapport peut-être, il a été mal jugé par quelqu’un qui lui était bien cher. Il y a aussi dans ses sentiments quelque chose de romanesque. Je l’ai vu accorder au récit d’une action généreuse, d’un trait d’héroïsme ou de désintéressement, des larmes que la peinture du malheur n’aurait pu lui arracher. Mais aussi, Brown me dit qu’il est son ennemi personnel. Puis l’obscurité de sa naissance ! ce serait donner à mon père le coup de la mort. Mathilde ! je désire qu’aucun de vos ancêtres n’ait combattu à Azincourt ou à Poitiers ! Sans la vénération que mon père a pour la mémoire du vieux Miles Mannering, je lui parlerais avec moitié moins de frayeur que je n’en ressens. »


septième extrait.


« Je reçois à l’instant votre lettre ; avec quel plaisir je l’ai lue ! Je vous remercie, ma chère amie, de votre amitié compatissante et de vos conseils ; ce n’est que par une entière confiance que je peux les payer.

« Vous me demandez quelle est la naissance de Brown, puisqu’elle serait si désagréable à mon père ; son histoire n’est pas longue à raconter. Il est d’origine écossaise ; mais étant resté orphelin, un de ses parents, établi en Hollande, se chargea de son éducation. Il fut élevé dans le commerce, et envoyé, jeune encore, dans un de nos établissements des Indes orientales, où son tuteur avait un correspondant ; mais, à son arrivée, ce correspondant était mort, et il n’eut d’autre ressource que d’entrer comme commis dans une autre maison de commerce. La guerre qui s’alluma et les pertes que l’on fit au commencement, ouvrirent les rangs de l’armée aux jeunes