Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/13

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son âme. L’esprit du mal était à ses côtés sous une forme corporelle : employant la puissance qu’il a sur les esprits mélancoliques, il lui montrait sa misérable situation, et le poussait au suicide, comme le moyen le plus prompt de mettre fin à une vie criminelle. Parmi ses fautes, le plaisir qu’il avait pris en prolongeant son voyage sans nécessité, et l’attention qu’il avait accordée à la beauté d’une femme, lorsque ses pensées auraient dû seulement se porter sur les discours religieux de son père, furent mis devant ses yeux sous les couleurs les plus sombres ; et il fut traité comme un homme qui, ayant péché contre la lumière, était avec justice abandonné comme une proie au prince des ténèbres.

À mesure que l’influence fatidique avançait, les terreurs causées par la présence odieuse du démon faisaient une plus grande impression sur les sens de sa victime, et ses sophismes devenaient plus difficiles à détruire, du moins pour le malheureux qu’ils enlaçaient de toutes parts. Il ne pouvait plus exprimer l’assurance du pardon auquel il croyait, ou prononcer ce nom victorieux dans lequel il plaçait sa confiance. Mais sa foi ne l’abandonna pas, quoiqu’il fût un moment sans pouvoir l’exprimer. « Dites ce que vous voudrez, répondit-il au tentateur ; je sais qu’il y a entre les deux couvertures de ce livre quelque chose qui m’assure le pardon de mes fautes et le salut de mon âme. » Il parlait encore que l’horloge annonça la fin de l’heure fatale ; il recouvra aussitôt la parole et ses facultés intellectuelles ; il se mit en prières et exprima dans les termes les plus ardents sa confiance et sa foi dans l’auteur de l’Évangile. Le démon se retira en poussant des hurlements de rage de se voir vaincu, et le vieillard, les larmes aux yeux, entra dans la chambre, félicitant son hôte de la victoire qu’il venait de remporter en ce combat marqué par la destinée.

Quelque temps après, le jeune homme épousa cette jeune fille si belle qui avait fait sur lui une telle impression à la première vue, et ils jouirent du bonheur domestique le plus parfait. — Ainsi se termine la légende de John Mac-Kinlay.

L’auteur de Waverley avait conçu la possibilité de composer une histoire intéressante, peut-être même édifiante, avec les incidents de la vie d’un homme mélancolique, et dont les efforts vers la vertu seraient toujours détruits par l’intervention de quelque être malveillant, jusqu’à ce qu’enfin il sortît victorieux de cette lutte terrible. En un mot, il avait tracé un plan semblable au conte imaginaire de Sintram et de ses compagnons, par M. le baron de La Motte