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qu’au moment où il entra dans sa vingt-unième année qu’ils prirent un caractère tel, que le père fut véritablement alarmé sur leurs conséquences. Il semblait que la plus sombre et la plus hideuse maladie mentale eût pris la forme d’un désespoir religieux. Cependant le jeune homme était encore doux, poli, affectueux, et soumis à la volonté de son père ; il résistait de tout son pouvoir aux ténébreuses pensées qui s’élevaient dans son âme, par l’émanation, à ce qu’il me semble, de l’esprit malin qui l’exhortait, comme la femme de Job, à maudire Dieu et à mourir.

Le temps arriva enfin où il devait entreprendre ce qu’on regardait alors comme un long et même dangereux voyage, pour se rendre auprès du vieux ami qui avait calculé son thème de nativité. La route qu’il suivait passait à travers quelques endroits intéressants, et ce voyage lui procura plus de plaisir qu’il ne le croyait possible. Aussi n’arriva-t-il à sa destination que la veille de l’anniversaire de sa naissance, à midi. Il semblait qu’il eut été tellement entraîné par le torrent d’un plaisir nouveau pour lui, qu’il oublia en quelque sorte ce que son père lui avait communiqué sur le but de son voyage. Il s’arrêta enfin devant un vieille maison de bonne apparence, mais solitaire, qu’on lui avait indiquée comme la demeure de l’ami de son père.

Le domestique qui vint prendre son cheval lui dit qu’il était attendu depuis deux jours. On le conduisit dans un cabinet où l’étranger, alors vénérable vieillard, le reçut d’un air grave et mécontent. « Jeune homme, lui dit-il, pourquoi avez-vous fait si lentement un voyage d’une aussi grande importance ?

— Je pensais, répondit le jeune homme en rougissant et en baissant les yeux, qu’il n’y avait point de mal à voyager lentement, et à satisfaire ma curiosité, pourvu que j’atteignisse votre demeure aujourd’hui ; car tels étaient les ordres de mon père.

— Vous méritez d’être blâmé pour votre lenteur, répliqua le sage, car l’ennemi du salut était attaché à vos pas. Mais enfin vous êtes arrivé, il ne faut pas désespérer, quoique le combat que vous avez à soutenir soit maintenant plus terrible parce qu’il a été retardé plus long-temps. Mais auparavant, acceptez la nourriture que réclame la nature pour satisfaire, mais non pour exciter et flatter l’appétit.

Le vieillard le fit passer dans un parloir d’été, où un frugal repas était préparé sur une table. Comme ils s’asseyaient, ils furent joints par une jeune fille d’environ dix-huit ans, si jolie, que sa vue dé-