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paiement, et peut-être même n’y eût-il jamais songé, si le bailli Mac Wheeble se fût permis, pour calmer sa colique, de l’intercepter à son profit. Il s’établit entre Waverley-Honour et Tully-Veolan l’échange annuel d’une courte lettre, d’un mannequin et d’un baril ou deux. L’Angleterre exportait de larges fromages, d’excellente ale, des faisans et de la venaison ; l’Écosse offrait, en retour, des grouses, des lièvres blancs, du saumon salé et de l’usquebaugh. Tout cela était envoyé et reçu des deux côtés comme gage d’une amitié constante entre les deux nobles maisons ; il s’ensuivait donc qu’il n’eût pas été convenable que l’héritier présomptif de Waverley-Honour fît un voyage en Écosse sans être muni de lettres de créance pour le baron de Bradwardine.

Quand cela fut une fois arrêté, M. Pembroke demanda qu’avant le départ de son cher élève, il lui fut permis d’avoir un entretien particulier avec lui. Aux exhortations de ce brave homme à Édouard pour lui recommander une conduite sage, des mœurs pures, l’affermir dans ses principes de religion, et le porter à éviter la profane compagnie des railleurs et des latitudinaires, trop nombreux dans l’armée, se mêlèrent quelques exhortations dictées par ses préjugés politiques. « Il a plu au ciel, disait-il, de placer les Écossais (sans doute pour les péchés de leurs pères en 1642) dans un état plus déplorable de ténèbres que même ce malheureux royaume d’Angleterre. Ici du moins, quoique le candélabre de l’église anglicane ait été en quelque sorte déplacé, il jette encore quelque clarté ; il y a encore une hiérarchie, quoique schismatique et déchue des principes maintenus par les Pères de l’Église, Sancroft et ses frères. Il y a ici une liturgie, quoique tristement dérangée dans quelques-unes des principales prières. Mais en Écosse, ce sont des ténèbres profondes, et hormis un reste de membres pauvres, dispersés et persécutés, l’Église ne voit plus dans les chaires que des presbytériens, et je crains bien qu’on ne les ouvre à toutes sortes de sectaires ; il est donc de mon devoir de prémunir mon cher élève contre des doctrines pernicieuses à l’Église et à l’État, qui, malgré lui, de temps à autre, viendront frapper ses oreilles. »

En finissant, le docteur présenta à Édouard deux énormes cahiers roulés, qui semblaient contenir chacun une rame entière de papier manuscrit. C’était le travail de toute la vie du digne homme, et jamais on n’employa son temps à un travail plus ab-