Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/89

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ment que, si le ministère avait eu quelque preuve matérielle de sa participation à la révolte, il ne se serait pas aventuré à braver ainsi le gouvernement, ou du moins qu’il ne l’eut pas fait impunément. Les sentiments qui dirigeaient alors ses actions étaient ceux d’un jeune homme dans un temps de trouble. Depuis, le jacobitisme de sir Éverard s’était peu à peu refroidi, comme un feu qui s’éteint faute d’aliment. Il gardait ses principes de tory et d’anglican pour les élections et les cours de justice trimestrielles, où il trouvait ample occasion de les manifester ; mais ses opinions touchant les droits héréditaires au trône étaient en quelque sorte éteintes. Cependant il souffrait de voir son neveu aller servir sous la dynastie de Brunswick ; d’autant plus, qu’indépendamment de son respect consciencieux pour l’autorité paternelle, il était impossible ou au moins très-imprudent à lui de se mêler en cette affaire, pour en empêcher l’exécution. Cette peine comprimée donna lieu à bien des pouahs ! à bien des pshaws[1] ! qui furent mis sur le compte d’un commencement d’attaque de goutte ; mais s’étant fait apporter l’Almanach militaire, le digne baronnet se consola en y trouvant les noms des descendants des maisons d’une vraie loyauté, les Mordaunt, les Granville, les Stanlly ; et concentrant tous ses sentiments de grandeur de famille et de gloire militaire, il conclut, avec un argument semblable à celui de Falstaff, que, lorsqu’on va faire la guerre, quoiqu’il n’y eût de l’honneur qu’à défendre une seule cause, il serait plus honteux de ne pas se battre que de se ranger dans le mauvais partie quelque noir que l’usurpation pût le rendre. Quant à la tante Rachel, tout n’avait pas tourné selon ses désirs, mais force lui était de céder aux circonstances, et elle oublia un peu son mécontentement en s’amusant à préparer l’équipage de campagne de son neveu, et se consola par l’espoir de le voir briller sous l’uniforme complet.

Édouard Waverley lui-même reçut la lettre de son père avec un sentiment inexprimable d’émotion et de surprise. C’était chez lui, suivant l’expression d’un vieux poëme, comme un-feu noirci de bruyère, qui couvre de fumée la colline solitaire, et l’éclaire en même temps d’une sombre flamme. Son précepteur, ou plutôt M. Pembroke (car il prenait rarement le titre de précepteur), trouva dans la chambre d’Édouard quelques fragments sans suite de vers qui semblaient avoir été composés sous l’influence des

  1. Interjections anglaises pour peindre le dégoût.