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ses joujoux, il se créait, avec les images vaines et les emblèmes séduisants que lui fournissait son imagination amplement nourrie, des visions aussi brillantes, aussi passagères que celles d’un coucher du soleil par un beau soir. On verra dans le chapitre suivant l’effet de cette habitude de rêverie sur le caractère d’Édouard.


CHAPITRE V.

CHOIX D’UN ÉTAT.


Le lecteur s’attend peut-être, d’après les détails minutieux dans lesquels je suis entré sur les habitudes de Waverley, et les impressions qu’elles devaient produire sur son imagination, que mon histoire est une imitation du roman de Cervantès ; mais il me jugerait mal en faisant cette supposition. Mon intention n’est pas de suivre les traces de cet inimitable auteur, et de décrire comme lui ce bouleversement complet de l’intelligence qui dénature tous les objets aussitôt qu’ils frappent les sens, mais de peindre cette aberration d’esprit plus commune, qui ne change point le fond des choses, mais les couvre d’un vernis romanesque. Édouard Waverley était si loin de s’attendre à ce qu’on sympathisât généralement avec ses propres sensations, ou de penser que ses rêves, auxquels il aimait à se livrer, pussent se réaliser jamais, qu’il ne craignait rien tant que de laisser voir les impressions qui résultaient de ses illusions. Il ne lui vint jamais à l’idée de les confier à personne ; et il y croyait tellement le ridicule attaché, que s’il avait eu à choisir entre un châtiment sans honte et la nécessité de rendre un compte exact et froid du monde idéal dans lequel il passait la plus grande partie de ses jours, il n’eût pas hésité, je pense, à préférer la punition. Ce mystère lui parut doublement précieux, lorsqu’en avançant en âge il sentit l’influence des passions qui s’éveillaient. De belles et gracieuses images de femmes commencèrent à se mêler dans ses aventures imaginaires ; il ne fut pas long-temps sans regarder autour de lui, pour comparer les femmes que créait son imagination, avec celles que lui offrait la vie réelle.

La liste des beautés qui chaque semaine étalaient leur parure à l’église paroissiale de Waverley, n’était ni nombreuse, ni choisie. La plus passable, sans contredit, était miss Sissly, ou, comme