Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/84

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dain des sons éloignés, semblables au murmure d’un torrent gonflé par l’orage, se font entendre ; le bruit grandit ; Édouard peut distinguer le galop des chevaux, les cris bruyants des hommes de guerre, les coups de pistolet qui s’approchent de plus en plus du château. La dame se lève précipitamment, un domestique accourt tout épouvanté… Mais pourquoi poursuivre cette description ?

Plus ce monde idéal plaisait à notre héros, plus toute espèce d’interruption lui était désagréable. Les terres qui environnaient au loin le château avaient été nommées Chasses de Waverley, parce qu’elles excédaient de beaucoup l’étendue ordinaire d’un parc ; elles n’étaient originairement qu’une forêt qui, partagée depuis par de grandes clairières, où les jeunes cerfs venaient bondir, avait néanmoins conservé son ancien aspect sauvage ; elle était traversée par de larges avenues, semées de broussailles en différents endroits : c’était là que les dames d’autrefois venaient voir passer le cerf poursuivi par les limiers ou blessé d’une flèche. Dans un endroit remarquable par un monument gothique, tapissé de mousse, Élisabeth avait, dit-on, percé de ses traits six chevreuils ; ce lieu avait tiré de là le nom de Halte de la reine. C’était la promenade favorite de Waverley. Quelquefois avec son fusil et son épagneul, qui lui servaient de contenance aux yeux des autres, et avec un livre dans sa poche, qui peut-être lui servait de contenance à ses yeux, il suivait une de ces longues avenues qui, après une montée de quatre milles, se rétrécissaient insensiblement en un sentier rude et resserré, à travers le vallon rocailleux et boisé nommé Mirkwood-Dingle, et aboutissaient tout à coup à un petit lac profond et sombre, appelé par la même raison Mirkwood-Mere. Là, sur un roc presque entièrement entouré d’eau, s’élevait jadis une tour solitaire, appelée Fort de Waverley, parce que dans les temps de danger elle servit souvent d’abri à cette famille. C’était là que pendant les guerres d’York et de Lancastre, les derniers soutiens de la Rose rouge eurent le courage d’oser en soutenir la cause en faisant une guerre d’escarmouche et de pillage, jusqu’à ce que la forteresse fut réduite par le fameux Richard de Gloucester. C’était là aussi que se maintint long-temps un corps de cavalerie sous les ordres de Nigel Waverley, frère aîné de ce William dont mistriss Rachel racontait le glorieux destin. Dans ces lieux Édouard aimait à « ruminer ses rêveries douces et amères, » et, comme un enfant au milieu de