Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/506

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pérait que le baron approuverait le repas qu’elle avait fait préparer pour la réception de tant d’étrangers ; qu’il trouverait à Tully-Veolan toutes les commodités possibles, et que l’ancienne hospitalité de Tully-Veolan ne perdrait rien de sa renommée. Il est impossible de décrire le plaisir que cette assurance causa au baron : avec une galanterie qui tenait à moitié du laird écossais et de l’officier au service de France, il offrit son bras à la belle lady Émilie, et la conduisit, d’un pas qui tenait le milieu entre de grandes enjambées et les pas de menuet, dans une vaste salle à manger, suivi du reste de la compagnie.

Grâce aux conseils et aux travaux de Saunderson, tout dans cette pièce, comme dans les autres, avait été rétabli, autant que possible, dans l’ancien état ; et quand de nouveaux meubles avaient été nécessaires, on les avait choisis dans le goût qui s’accordait avec l’ancien ameublement. Cependant on avait ajouté à ce vieil et bel appartement une nouvelle décoration qui arracha des larmes des yeux du baron : c’était un tableau de grande dimension, et exécuté avec beaucoup de talent, représentant Fergus et Waverley, tous deux en habit de Highlandais. La scène était un défilé sauvage, étroit et montagneux, par où le clan descendait dans la plaine. Ce tableau avait été peint d’après un excellent croquis pris, pendant qu’ils étaient à Édimbourg, par un jeune dessinateur de génie ; c’était l’ouvrage d’un des premiers peintres de Londres. Raeburn lui-même, dont les chefs montagnards semblent tous marcher sur la toile, n’aurait pas traité ce tableau avec plus de vigueur. Le caractère ardent, fier, impétueux du chef de Glennaquoich, faisait un contraste pittoresque avec l’expression contemplative, réfléchie et enthousiaste des traits de son plus heureux ami. À côté du tableau étaient suspendues les armes que Waverley avait portées pendant la guerre civile. Ce spectacle excita l’admiration et la vive émotion de toute la compagnie.

Nous sommes condamnés à manger, en dépit des sentiments et de la vertu. Pendant que le baron se plaçait à un bout de la table, il insistait pour que lady Émilie s’assît à l’autre bout, pour y faire les honneurs, afin, disait-il, de donner une leçon aux jeunes gens. Après un moment de réflexion, employé dans sa tête à décider la question de préséance entre l’église presbytérienne et l’église épiscopale d’Écosse, il pria M. Morton, en sa qualité d’étranger, de réciter les grâces, ajoutant que M. Rubrick, qui