Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/46

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cavaliers arrivèrent aussitôt, et lâchant un nombre suffisant de chiens, ils les dirigèrent avec les piqueurs vers le taillis, afin de chasser la bête de son fort. Cet objet accompli occasionna une autre chasse fatigante de quelques milles ; elle eut lieu dans une direction presque circulaire, et tant qu’elle dura, le pauvre animal mit en usage toute espèce de ruses pour échapper à ses persécuteurs. Il traversa et retraversa tous les sentiers poudreux qu’il jugeait les moins propres à retenir l’odeur qui le trahissait ; cependant, réduit aux abois, il se coucha les pieds sous le ventre, et appliqua son nez sur la terre, de crainte que son haleine ou son bois ne le fissent apercevoir des chiens qui le poursuivaient. Lorsqu’il jugea que ses efforts étaient vains et que les chiens allaient se précipiter sur lui, sa force l’abandonna, sa bouche se remplit d’écume, et, des larmes tombant de ses yeux, il se tourna plein de désespoir vers les lévriers qui le poursuivaient ; ces animaux excités jetaient sur lui des regards étonnés, et poussant d’affreuses clameurs, attendaient leurs auxiliaires bipèdes. Le hasard voulut que lady Éléonore, qui prenait plus de plaisir à la chasse que Matilde, et qui fatiguait beaucoup moins son palefroi que lord Boteler, fut la première à arriver vers l’endroit où gisait le cerf, et, prenant l’arbalète d’un homme d’armes, elle lança une flèche à l’animal, qui, furieux de se sentir blessé, s’élança plein de rage vers celle qui avait décoché le dard. Lady Éléonore se fût peut-être repentie de ce qu’elle venait de faire, si le jeune Fitzallen, qui s’était tenu près d’elle tout le jour, n’eût lancé son cheval entre la jeune amazone et le cerf ; et, avant que l’animal eût changé l’objet de son attaque, il le tua avec son couteau de chasse.

Albert Drawslot, qui accourait au moment même, tremblant pour les jours de la jeune lady, adressa publiquement à Fitzallen les louanges les plus flatteuses sur sa force et son courage. « Par Notre-Dame ! dit-il, ôtant son chapeau et essuyant avec sa manche son visage hâlé, bien frappé et fort à propos ! Mais maintenant, jeunes gens, ôtez vos chapeaux, et sonnez le chant de la mort. »

Les chasseurs sonnèrent trois fois le chant de la mort, et poussèrent un cri général qui, mêlé avec l’aboiement des chiens, faisait retentir les échos d’alentour. Un piqueur présenta alors un couteau à lord Boteler, afin de couper le jarret du cerf ; mais le baron eut la courtoisie d’insister pour que Fitzallen s’acquittât de cette cérémonie, Lady Matilde arriva alors avec la plupart des gens de la