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reddition de Carlisle, et la sévérité avec laquelle fut traitée la garnison rebelle, fournit à Édouard un nouveau motif pour ne point entreprendre un périlleux voyage, seul et sans secours, à travers un pays ennemi, une armée nombreuse, afin de porter le secours d’une seule épée à une cause qui semblait irrévocablement perdue.

Dans cette vie solitaire et retirée, privé de la compagnie et de la conversation d’hommes d’un esprit cultivé, les arguments du colonel Talbot se représentèrent plus d’une fois à la pensée de notre héros. Un souvenir plus pénible et plus triste troublait quelquefois ses rêves… C’était le regard et le geste du colonel Gardiner à son dernier moment. Chaque fois que la poste, qui n’arrivait pas très-exactement à la ferme de Fasthwaite, lui apportait la nouvelle de quelques petits combats dont les succès étaient très-divers, il souhaitait de tout son cœur de n’être jamais réduit une seconde fois à tirer l’épée dans une guerre civile. Alors il réfléchissait à la mort supposée de Fergus, à la position désespérée de Flora, et avec plus d’intérêt encore à celle de Rose Bradwardine, qui n’avait pas ce dévouement exalté pour les Stuarts dans lequel son amie puisait la force de soutenir ses malheurs extraordinaires. Il avait tout le loisir de se livrer à ses rêveries sans être troublé ni distrait ; c’est en se promenant par les beaux jours d’hiver sur les bords de l’Uswater, qu’il apprit mieux qu’il n’avait pu le faire jusque-là, à gouverner un esprit naturellement inquiet, mais qui s’était formé à l’école récente de l’adversité. C’est alors qu’il se crut autorisé à dire, avec un soupir peut-être, que son roman était fini ; et qu’il commençait maintenant sa véritable histoire. Il ne tarda pas à avoir occasion de justifier ses nouvelles prétentions à la raison et à la philosophie.


CHAPITRE LXI.

UN VOYAGE À LONDRES.


La famille de Fasthwaite s’attacha bientôt à Édouard. Il avait cette douceur de caractère et cette politesse qui ne manquent jamais de nous gagner la bienveillance de nos semblables. Aux yeux de ces braves gens, la bonne éducation d’Édouard le rendait respectable, et sa tristesse intéressant. Il avait donné pour prétexte de cette tristesse, la mort d’un frère tué à l’affaire de Clifton ; et, au milieu de ces mœurs simples, où les liens de fa-