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qu’il occupait ordinairement quand l’armée était en marche, que mon métier de prince errant est plein d’ennui parfois ! mais courage : c’est le grand jeu après tout. »


CHAPITRE LIX.

UNE ESCARMOUCHE.


Il est presque inutile de rappeler au lecteur, qu’après un conseil de guerre tenu à Derby, le 5 décembre, les Highlandais renoncèrent à leur entreprise désespérée de s’avancer plus avant dans l’intérieur de l’Angleterre ; et au grand déplaisir de leur jeune et audacieux chef, ils résolurent positivement de faire leur retraite vers le nord. En conséquence, ils commencèrent leur mouvement rétrograde, et par l’extrême rapidité de leur marche, ils se dérobèrent au duc de Cumberland qui les poursuivait avec un nombreux corps de cavalerie.

Battre ainsi en retraite, c’était renoncer en réalité à leurs brillantes espérances ; personne ne s’était plus enivré de ces espérances que Fergus Mac-Ivor ; personne aussi ne fut plus cruellement mortifié en les voyant détruites. Il avait fait dans le conseil de guerre les raisonnements ou plutôt les remontrances les plus véhémentes ; et, quand son opinion fut rejetée, il versa des larmes de douleur et d’indignation. Depuis cet instant un changement complet s’opéra en lui ; ce n’était plus ce jeune homme fier et ardent, pour qui la terre entière semblait trop étroite un mois auparavant. La retraite continuait depuis plusieurs jours, quand, le 12 décembre au matin, Édouard, à sa grande surprise, reçut la visite de Fergus, au quartier qu’il occupait dans un petit hameau, à peu près à moitié chemin entre Shap et Penrith.

N’ayant eu aucune relation avec le chef depuis leur rupture, Édouard attendait, l’âme pleine d’inquiétude, l’explication d’une visite si inopinée ; il ne put s’empêcher d’être surpris et même affligé du changement qu’il remarquait dans la personne de Fergus ; ses yeux avaient perdu leur éclat, ses joues étaient creuses, sa voix languissante ; sa démarche n’était plus rapide et assurée comme autrefois ; ses habillements, qu’il arrangeait ordinairement avec grand soin, étaient en désordre et attachés au hasard. Il invita Édouard à le suivre sur le bord d’un petit ruisseau qui coulait dans le voisinage, et sourit mélancoliquement en le voyant prendre son épée et l’attacher à son côté.