Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/420

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sans l’autorisation du colonel. Quant au motif pour lequel il m’a cherché querelle, je ne le connais point, à moins qu’il ne m’accuse, très-injustement à coup sûr, d’avoir gagné le cœur d’une jeune dame à la main de laquelle il prétendait. »

« Mon erreur, si je me suis trompé, dit le chef, provient d’une conversation que j’ai eue ce matin avec Son Altesse Royale elle-même. »

« Avec moi ! dit le Chevalier ; comment le colonel Mac-Ivor peut-il m’avoir si mal compris ? »

Alors il prit à part le colonel Fergus, et après cinq minutes d’une conversation très-animée, il fit faire à son cheval un mouvement vers Édouard. « Est-il possible ? — mais approchez, colonel, je n’aime pas le mystère ; — est-il possible, monsieur Waverley, que je me sois trompé en supposant que vous étiez l’amant aimé de miss Bradwardine ? Quoique vous ne m’eussiez jamais fait de confidence là-dessus, j’en étais tellement convaincu, d’après diverses circonstances, que j’alléguai ce fait à Vich-Jan-Vohr ce matin, comme une raison pour qu’il ne s’offensât pas de ce que vous ne pensiez plus à une alliance à laquelle un homme sans engagement, même après un refus, ne renoncerait pas aisément, tant elle a de charmes. » — « Votre Altesse Royale se fondait sur des circonstances qui me sont absolument inconnues, quand elle me faisait l’honneur, très-flatteur sans doute, de me supposer l’amant aimé de miss Bradwardine. Je suis reconnaissant de ce que cette supposition a de glorieux pour moi, mais je n’en suis nullement digne. D’ailleurs ma confiance dans mon propre mérite est et doit être trop faible pour espérer d’être nulle part bien traité, après l’avoir été si mal d’un certain côté. »

Le Chevalier resta un moment en silence, les regardant l’un et l’autre avec beaucoup d’attention ; il prit enfin la parole : « Sur mon honneur, monsieur Waverley, vous êtes moins heureux que je ne m’étais cru en droit de le penser. Maintenant, messieurs, permettez-moi d’être arbitre entre vous deux, non en ma qualité de prince régent, mais comme votre compagnon d’armes et d’aventures. Oubliez entièrement que je pourrais vous donner des ordres et exiger obéissance ; faites attention à votre propre honneur, et s’il est bien, s’il est convenable de donner à nos ennemis la joie, à nos amis le scandale de voir que, si peu nombreux que nous sommes, la discorde règne entre nous ; et permettez-moi d’ajouter que les dames qui figurent dans cette affaire méri-