Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/418

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de la cour de Saint-Germain, où des querelles, des altercations de toute espèce mettaient chaque jour à l’épreuve la patience du roi détrôné ; le prince, pour nous servir de l’expression du vieux Frédéric de Prusse, avait fait son apprentissage du métier de roi. Rétablir et maintenir la concorde entre ses partisans était indispensable ; il prit ses mesures en conséquence.

« Monsieur de Beaujeu[1] ! »

« Monseigneur ! » répondit un bel officier de cavalerie française, qui lui servait d’aide-de-camp. — « Ayez la bonté d’aligner ces montagnards-là, ainsi que la cavalerie, s’il vous plaît, et de les remettre en marche. Tous parlez si bien anglais, cela ne vous donnera[2] pas beaucoup de peine. »

« Ah ! pas du tout, monseigneur, » répliqua M. le comte de Beaujeu, en inclinant la tête de manière à toucher le cou de son petit cheval, qu’il manœuvrait avec beaucoup de fierté et d’importance ; il le fit piaffer et plier. Il s’élança à la tête du régiment de Fergus, plein de joie et d’assurance, quoiqu’il ne comprît pas un mot de gaëlique et très-peu d’anglais.

« Messieurs les sauvages écossais, c’est-à-dire gentilmans savages, ayez la bonté d’arranger vous. »

Le clan comprenant ces ordres, plutôt par les gestes de M. de Beaujeu que par ses paroles, et rendu docile par la présence du prince, se hâta de serrer les rangs.

« Ah ! ver vell ; dat ist fort bien, dit le comte de Beaujeu, mais très-bien, gentilmans savages. Eh bien !… qu’est-ce que vous appelez visage, monsieur ? (s’adressant à un soldat hors des rangs, qui se trouvait auprès de lui.) Ah, oui ! face… Je vous remercie, monsieur. Gentilshommes, have de goodness, de faire face to the right, par file, c’est-à-dire par files… En avant, marche… Mais, très-bien… Encore, messieurs ; il faut vous mettre en marche… Marchez donc, au nom de Dieu ! parce que j’ai oublié le mot anglais… mais vous êtes de braves gens et vous me comprenez très-bien. »

  1. Dans le roman anglais le prince parle français et correctement, à deux mots prés. M. de Beaujeu parle un français mêlé de quelques mots anglais défigurés. Il était difficile de reproduire dans la traduction le comique un peu bouffon de cette scène. Nous n’espérons pas y avoir réussi. Les bons Français, par orgueil national se consoleront de rire un peu moins aux dépens de notre compatriote M. de Beaujeu. a. m.
  2. Il y a dans le texte donnerait ; et à la fin du chapitre le prince dit que mon métier de prince est ennuyant pour ennuyeux. Voilà les deux fautes de français que nous avons à reprocher à Son Altesse. a. m.