Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/417

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

confusion commençait, qui probablement ne se terminerait pas sans effusion de sang. Cent langues étaient en mouvement à la fois. Le baron dissertait, le chef tempêtait, les Highlandais criaient en gaëlique, les cavaliers vomissaient des imprécations en écossais des basses terres. Enfin, le désordre en vint au point que le baron menaça de charger les Mac-Ivor s’ils ne reprenaient leurs rangs, à quoi la plupart d’entre eux répondirent en dirigeant le canon de leurs armes à feu contre lui et ses cavaliers. La confusion état secrètement encouragée par Ballenkeiroch, qui ne doutait pas qu’enfin le jour de la vengeance ne fût arrivé pour lui, quand on entendit un cri : « Place ! retirez-vous ! place à Monseigneur ! place à Monseigneur ! » Ce cri annonçait l’arrivée du prince, qui accourait avec un escadron des dragons de Fitz-James, régiment étranger qui faisait auprès de lui le service de gardes du corps. Sa présence rétablit un peu l’ordre ; les Highlandais reprirent leurs rangs ; la cavalerie forma un escadron régulier ; le baron et le chef demeurèrent en silence.

Le prince leur ordonna ainsi qu’à Waverley de s’avancer. Ayant été informé de la cause primitive de la querelle, c’est-à-dire du guet-apens de Callum Beg, il ordonna qu’il fût livré à l’instant même au prévôt de l’armée, pour être exécuté sans délai, dans le cas où il survivrait au châtiment que lui avait infligé le chef. Fergus, d’un ton qui tenait le milieu entre celui avec lequel on réclame un droit et celui dont on sollicite une faveur, demanda qu’il fût laissé à sa disposition, promettant que sa punition serait exemplaire. Lui refuser cette demande eût paru porter atteinte à l’autorité patriarcale des chefs, autorité dont ils étaient singulièrement jaloux ; il eût été impolitique de les désobliger en ce moment. Callum fut donc abandonné aux lois pénales de sa propre tribu.

Le prince voulut savoir quel était le sujet de la querelle qui venait de s’élever entre le colonel Mac-Ivor et Waverley. Il y eut un profond silence. Les deux rivaux regardaient la présence du baron de Bradwardine (car en ce moment ils étaient tous trois auprès du prince d’après son ordre) comme un obstacle insurmontable à s’expliquer sur une matière à laquelle le nom de sa fille devait nécessairement se trouver mêlé. Ils tenaient leurs yeux fixés à terre ; la confusion, l’embarras et le mécontentement se peignaient en même temps dans leurs regards. Le prince, qui avait été élevé au milieu des esprits mécontents et tracassiers