Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/406

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Bertram, morne et rêveur, le suit comme à la piste ;
Un démon suit les pas d’un sorcier grave et triste,
Le pressant pour être employé,
Car il est déjà soudoyé. »


« Je vous assure, colonel, dit Waverley, que vous jugez trop sévèrement les Highlandais. » — « Pas du tout. Je les juge comme il faut les juger ; je n’en rabattrai pas un iota. Qu’ils restent dans leurs montagnes sauvages, qu’ils soient fiers comme des princes, arrogants comme des empereurs ; qu’ils mettent, si tel est leur plaisir, leur bonnet sur les cornes de la lune ; mais quelle envie ont-ils de venir dans un pays où on porte des culottes, et où l’on parle un langage intelligible, je dis intelligible en comparaison de leur jargon, car les habitants des basses terres parlent un anglais qui n’est guère meilleur que celui des Nègres à la Jamaïque. J’ai plaint le Pr…, je veux dire le Chevalier lui-même, d’avoir autour de lui de pareils bandits. Et ils apprennent leur métier de bonne heure. Il y a une espèce de diablotin, un diable apprenti, que votre ami Glenna… Glenamuck, a quelquefois à sa suite. À le voir, il a quinze ans ; mais pour la méchanceté et la malice il en a cent. L’autre jour il jouait au palet dans la rue ; un monsieur qui avait l’air assez distingué vint à passer, un palet le frappa à la jambe ; et ce monsieur leva sa canne ; aussitôt notre jeune brave tire son pistolet comme Beau Clincher[1], dans un Jour de Jubilé, et si un Gardez l’eau[2], prononcé d’une fenêtre au-dessus, n’eût mis les partis en fuite, dans la crainte de l’aspersion, ce pauvre monsieur aurait perdu la vie par les mains de ce petit démon. » — « À Londres, quel beau portrait vous allez faire de l’Écosse, colonel Talbot ! » — « Oh ! le juge de paix Shallow[3] m’en évitera la peine ; des déserts, des déserts, tous des gueux, tous des gueux. Un air pur à la vérité, mais seulement quand vous venez de sortir d’Édimbourg et que vous n’êtes pas encore entré à Leith, comme nous, en ce moment. »

Ils arrivèrent bientôt au port.


De Leith le navire s’avance ;
Et, grâce au vent qui souffle fort,
Les passagers en diligence
De Berwick atteignent le port.

  1. Le beau Clincher est un des personnages d’une comédie anglaise de Farghar. a. m.
  2. Pour Gare l’eau ! sans doute par corruption de cette locution française. Ceci rappelle les Passerès de Marseille, dans les vieux quartiers, où l’on jette encore, de nuit, certains vases par les fenêtres. a. m.
  3. Personnage d’un drame de Shakspeare. a. m.