Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/404

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vois occupé, je continue : Quand je prononçai votre nom, ses yeux s’enflammèrent comme les vôtres il y a deux minutes. « A-t-il montré, me demanda-t-il avec vivacité, des sentiments favorables à notre cause ? — Pas le moins du monde, » et il n’y avait aucune espérance à former à cet égard… Il changea de visage. Je demandai votre liberté. « Impossible ! » me répondit-il. L’importance attachée à votre personne, comme l’ami et le confident de tel ou tel personnage, rendait à ses yeux ma demande extravagante. Je lui racontai mon histoire et la vôtre, et je le suppliai de juger quels devaient être mes sentiments, d’après les siens propres. Il a un cœur, colonel Talbot, un cœur généreux, quoi que vous en puissiez dire. Il prit un morceau de papier, et écrivit le sauf-conduit de sa propre main. « Je ne soumettrai point cette affaire à mon conseil, dit-il ; il m’empêcherait de suivre l’inspiration de mon cœur. Je ne puis souffrir qu’un ami, aussi précieux que vous l’êtes à mes yeux, soit en proie aux cruelles réflexions qui vous tourmenteraient si un nouveau malheur arrivait dans la famille du colonel Talbot ; je ne veux pas non plus retenir un brave ennemi prisonnier dans de telles circonstances. D’ailleurs, ajouta-t-il, je me justifierai devant mes prudents conseillers, en leur représentant le bon effet que produira cet exemple de douceur sur l’esprit des grandes familles anglaises auxquelles le colonel Talbot est allié. »

« Ici, dit le colonel, le politique s’est trahi. » — « Soit. Mais il a conclu en fils de roi : « Prenez ce sauf-conduit, j’y ai mis une condition pour la forme. Si le colonel a quelque objection à faire contre cette condition, laissez-le partir sans exiger de lui aucun engagement. Je suis venu ici pour faire la guerre aux hommes, et non pour désoler les femmes et mettre leur vie en péril. » — « Je n’aurais jamais cru que je dusse avoir tant d’obligation au Prétendant.

« Au prince, » dit Waverley en riant.

« Au Chevalier, répliqua le colonel ; c’est un excellent nom de voyage, duquel nous pouvons, vous et moi, nous servir pour désigner Édouard Stuart. Ne vous a-t-il rien dit de plus ? »

« Il ma seulement demandé s’il y avait quelque autre chose qu’il pût faire pour moi. Et quand je lui eus répondu que non, il me secoua la main, en disant qu’il souhaiterait bien que tous ses partisans fussent aussi peu exigeants ; que des gens que je connaissais fort bien lui demandaient non-seulement tout ce qu’il