Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/400

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Un soir, après une longue dispute de cette nature, les deux, amis s’étaient séparés, et notre héros s’était couché ; sur le minuit il fut réveillé par le bruit d’un gémissement étouffé. Surpris, il prêta l’oreille : le bruit venait de la chambre du colonel Talbot, qui n’était séparée de la sienne que par une cloison avec une porte de communication. Waverley s’approcha de cette porte, et entendit distinctement un ou deux profonds soupirs. Quelle en pouvait être la cause ? « Le colonel, quand il m’a quitté, était, en apparence au moins, dans son état d’esprit ordinaire ; il faut qu’il se soit trouvé tout à coup indisposé. » Frappé de cette réflexion, il ouvre tout doucement la porte de communication, et aperçoit le colonel, en robe de chambre, assis devant une table sur laquelle étaient une lettre et un portrait. Celui-ci leva la tête brusquement au moment où Édouard ne savait s’il devait avancer ou se retirer, et Waverley s’aperçut que ses joues étaient couvertes de larmes.

Comme honteux d’avoir été surpris quand il s’abandonnait à une si vive émotion, Talbot se leva d’un air mécontent et dit d’un ton de reproche : « Je pensais, monsieur Waverley, que dans mon propre appartement, et à une telle heure, tout prisonnier que je suis, je n’avais pas à redouter une pareille… » — « Indiscrétion… Ne prononcez pas ce mot, colonel Talbot. J’ai entendu que votre respiration était gênée, j’ai craint que vous ne fussiez malade, cela seul a pu me décider à pénétrer chez vous. »

« Je me porte bien, dit le colonel, parfaitement bien. »

« Mais vous avez des chagrins, dit Édouard ; si l’on pouvait faire quelque chose pour les adoucir ? » — « Rien, monsieur Waverley. Seulement je pensais à de tristes nouvelles que j’ai reçues d’Angleterre. »

« Bon Dieu ! mon oncle ! » s’écria Waverley. — « Non ; c’est un chagrin qui ne concerne que moi seul. Je suis honteux que vous m’ayez surpris dans un pareil moment d’abattement ; mais il faut quelquefois donner carrière à la douleur, afin de la supporter ensuite avec plus de fermeté. J’aurais voulu vous cacher cela, car je pense que vous en serez affligé, et vous ne pouvez rien pour me consoler. Je vois que vous êtes inquiet vous-même ; d’ailleurs je hais le mystère ; lisez cette lettre. »

Elle était de la sœur du colonel, et conçue en ces termes :

« J’ai reçu, mon très-cher frère, votre lettre par Hodges. Sir É. W. et M. R. sont toujours en liberté, mais on ne leur a pas permis de quitter Londres. Je voudrais pouvoir vous donner des nou-