Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/370

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volte est publique, quand le seul soupçon de ce crime l’a déjà compromise. Je regrette bien vivement de ne pas vous avoir rencontré avant cette dernière et fatale erreur. »

« En vérité j’ignore, dit Waverley d’un ton sec, pourquoi le colonel Talbot se fût donné pour moi tant de peine. »

« Monsieur Waverley, répondit Talbot, il est difficile de me piquer ; je vais donc répondre aussi clairement que vous le désirez. Je dois plus à votre oncle qu’un fils ne doit à son père ; j’ai pour lui un respect filial, et comme je crois qu’il m’est impossible de lui prouver mieux ma reconnaissance qu’en vous servant, je vous servirai, si je puis, même malgré vous. L’obligation personnelle que vous m’avez imposée aujourd’hui est sans doute la plus grande qu’un homme puisse imposer à son semblable ; mais elle n’ajoute rien à mon zèle pour vous, et mon zèle sera toujours ardent, malgré toute votre froideur à l’accueillir. »

« Vos intentions peuvent être bonnes, monsieur, dit Waverley piqué ; mais votre langage est dur ou du moins tranchant. »

« À mon retour en Angleterre, après une longue absence, continua le colonel Talbot, j’ai retrouvé votre oncle, sir Éverard Waverley, sous la surveillance d’un envoyé du roi, par suite des soupçons que votre conduite a suscités contre lui. C’est mon plus vieil ami, et, je le répéterai souvent, mon meilleur ami !… Il m’a sacrifié ses projets de bonheur ; il n’a jamais prononcé un mot, jamais conçu une pensée que la bienveillance la plus pure ait pu désavouer. Je trouvai cet excellent homme en prison, soumis à un traitement que lui rendaient plus dur les habitudes de sa vie, l’élévation de son âme et, excusez-moi, monsieur Waverley, la cause de son infortune. Je ne puis vous cacher quels furent alors mes sentiments à votre égard ; vous m’avez paru criminel. Par le crédit de ma famille, qui est assez considérable, comme vous le savez, je parvins à obtenir la mise en liberté de sir Éverard, et je partis pour l’Écosse ; je vis le colonel Gardiner, cet homme dont la mort seule suffirait pour rendre cette insurrection à jamais exécrable. En causant avec lui, je reconnus que, d’après des circonstances postérieures et un second interrogatoire des complices de la révolte, et surtout d’après la bonne opinion qu’il avait toujours eue de votre caractère, il ne vous condamnait plus aussi sévèrement, et je ne doutai pas, si j’avais le bonheur de vous découvrir, de pouvoir tout arranger ; mais cette infâme rébellion a tout détruit. J’ai pour la première fois de ma