Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/354

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accessible à la superstition. Il pâlit à ces mots du devin[1], et baissa son fusil. Le colonel Gardiner, sans se douter du péril qu’il avait couru, fit un long circuit, et retourna lentement vers son régiment.

Cependant l’armée anglaise avait pris une autre ligne ; l’un de ses flancs s’était porté vers la mer, l’autre restait au village de Preston ; et comme il n’était pas moins difiîcile de les attaquer dans cette nouvelle position, Fergus et le reste du détachement furent rappelés à leur premier poste. Cette manœuvre en nécessita une semblable dans l’armée du général Cope, qui se remit sur une ligne parallèle à celle des montagnards. Ces dispositions de part et d’autre employèrent presque la fin du jour, et les deux armées se préparèrent à passer la nuit sous les armes, en gardant leurs positions.

« On ne fera rien ce soir, dit Fergus à son ami Waverley ; avant de nous envelopper dans nos plaids, allons voir à quoi s’occupe le baron à l’arrière-garde. »

En approchant de son poste, ils trouvèrent le vieux et prudent officier, qui, après avoir dirigé ses patrouilles de nuit, et placé ses sentinelles, s’occupait à lire au reste de sa troupe la prière du soir de l’église épiscopale. Sa voix était forte et sonore, et quoique ses lunettes sur le nez et l’attitude de Saunders Saunderson, qui faisait tout botté les fonctions de clerc, eussent quelque chose de risible, pourtant la situation périlleuse où l’on se trouvait, le costume militaire de l’auditoire, et la vue de leurs chevaux sellés et attachés à des piquets derrière eux, donnaient un air imposant et solennel à cet acte de dévotion.

« Je me suis confessé aujourd’hui, avant que vous ne fussiez éveillé, dit Fergus à l’oreille de Waverley ; mais je ne suis pas catholique assez sévère pour refuser d’entendre la prière de ce brave officier. »

Édouard accepta, et ils attendirent que le baron eût fini.

« Eh bien, mes enfants ! leur dit-il en fermant le livre, irons-nous demain à l’ennemi avec des mains pesantes et des consciences légères ? » Il salua alors cordialement Mac-Ivor et Waverley, qui lui demandèrent son avis sur leur situation. « Ma foi, vous le savez, comme dit Tacite, in rebus bellicis maxime dominatur fortuna, ce qui répond à notre vieil adage national : La

  1. Le mot du texte est taishatr, expression gaélique pour seer, devin ou voyant. a. m.