Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/352

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rent avec ardeur à l’attaque ; Evan Dhu stimulait Fergus par ses arguments. « Les habits rouges, disait-il, remuent comme un œuf sur un bâton, et nous avons tout l’avantage, car un haggis[1] même (Dieu le bénisse !) descendrait au galop la montagne. »

Mais la côte qu’avaient à descendre les montagnards, quoique peu étendue, était impraticable, parce qu’elle était coupée, là par des ravins, ici par des murs en pierre, et traversée dans toute sa longueur par un fossé large et profond, circonstances qui auraient donné à la mousqueterie des Anglais de terribles avantages avant que les montagnards eussent pu tirer leurs épées, la seule arme dont ils pouvaient se servir. L’autorité des chefs fut donc nécessaire pour réprimer l’impétuosité de leurs soldats. Quelques tireurs d’élite descendirent seulement pour escarmoucher avec les avant-postes, et reconnaître le terrain.

Le spectacle que présentaient alors les deux armées, était aussi intéressant qu’extraordinaire. Si différentes par la tenue et la discipline, et pourtant toutes deux admirablement faites à leur tactique particulière, ces deux armées dont la lutte devait décider, pour un temps du moins, du sort de l’Écosse, étaient alors en face l’une de l’autre comme deux gladiateurs dans l’arène, cherchant l’endroit le plus favorable pour s’attaquer. On distinguait les principaux officiers et les deux généraux en face de leurs lignes, occupés avec des lunettes à s’observer mutuellement, donnant des ordres et recevant des avis qu’apportaient les aides-de-camp et les officiers d’ordonnance qui animaient la scène en galopant dans toutes les directions comme si le sort de cette journée eut dépendu de la vitesse de leurs coursiers. L’espace qui séparait les armées était de temps à autre occupé par l’engagement partiel et irrégulier de quelques tirailleurs. On voyait parfois un chapeau ou un bonnet tomber à terre, ou bien un blessé qu’emportaient ses camarades. Pourtant ce n’étaient que de petites escarmouches, car les deux partis avaient leurs raisons pour ne point avancer davantage. Les paysans des villages d’alentour se montraient avec précaution, comme épiant l’issue de la lutte qui allait commencer. Un peu plus loin dans la baie étaient deux vaisseaux à trois mâts portant le pavillon anglais, et dont les haubans et les vergues étaient chargés de spectateurs moins timides.

  1. L’espèce de poudding fait avec de la farine d’avoine, des pieds ou foie de mouton, et cuit dans l’estomac d’un mouton. a. m.