Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/349

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et en tirant son épée : « Mes amis, a-t-il dit, j’ai jeté le fourreau. Venez, Waverley, nous partons à l’instant. » — « Un moment, un moment ; ce pauvre prisonnier se meurt, où trouverai-je un chirurgien ? » — « Ma foi, où en trouver un ? Nous n’avons, vous savez, que deux ou trois carabins français qui, je crois, ne sont guère plus savants que des garçons apothicaires. » — « Mais cet homme est blessé à mort. »

« Le pauvre malheureux ! » dit Fergus par un mouvement de compassion. Puis il ajouta aussitôt : « Mais ce sera le sort de bien des gens avant la nuit ; ainsi, venez. » — « Impossible. Je vous dis que c’est le fils d’un des fermiers de mon oncle. » — « Ah ! si c’est un de vos vassaux, il faut en prendre soin ; je vais vous envoyer Callum. Mais diaoul ! ceade millia mollighart, continua, le chef impatienté ; à quoi pense donc un vieux soldat comme Bradwardine, d’envoyer ici des mourants pour nous embarrasser ! »

Callum arriva avec sa promptitude ordinaire, et Waverley gagna plutôt qu’il ne perdit dans l’opinion des montagnards par sa sollicitude pour le blessé. Il est vrai qu’ils n’eussent pas compris cette philanthropie générale qui ne permettait pas à Waverley d’abandonner un homme dans un si pitoyable état ; mais quand ils surent que le blessé était un de ses vassaux, ils convinrent unanimement que Waverley s’était conduit comme un bon et digne chef qui méritait l’affection de ses gens. Au bout d’un quart d’heure le pauvre Humphrey rendit le dernier soupir, priant son jeune maître, quand il retournerait à Waverley-Honour, de faire du bien au vieux Job Houghton et à sa femme, et le conjurant de ne pas se battre avec ces sauvages en jupon contre la vieille Angleterre.

Quand il eut expiré, Waverley, qui avait vu avec un sincère chagrin et un cuisant remords l’agonie du mourant (c’était la première fois qu’il assistait à ce triste spectacle), ordonna à Callum d’emporter le corps dans la cabane. Le jeune montagnard obéit, mais non sans fouiller préalablement dans les poches du défunt. Mais, comme il l’observa, elles avaient été fort bien épongées[1]. Il prit pourtant le manteau, et, procédant avec toute la précaution d’un épagneul qui vole un os, il le cacha dans des broussailles et remarqua soigneusement l’endroit, réfléchissant que si jamais il repassait par là ce serait un excellent mantelet pour sa vieille mère Elspeth.

  1. Sponged, dit en effet le texte, pour signifier, poches bien vidées. a. m.