Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/339

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grins, était-il dans son genre le plus pur et le plus désintéressé dont l’âme humaine soit capable de jouir.

« Baron, dit le Prétendant, je ne laisserais pas ma maîtresse en tête-à-tête avec votre jeune ami ; il est à coup sûr, quoique peut-être trop romanesque, un des jeunes gens les plus aimables que j’aie jamais vus. »

« Et sur mon honneur, prince, répondit le baron, il est parfois aussi sérieux que moi, qu’un homme de soixante ans. Si Votre Altesse Royale l’eût vu rêver et soupirer à Tully-Veolan comme un hypocondriaque, ou, selon l’Anatomie de Burton, comme un malade frénétique ou léthargique, vous seriez étonné qu’il ait pu en si peu de temps reprendre tant d’enjouement et de gaieté. »

« En vérité, dit Fergus Mac-Ivor, je crois que c’est l’inspiration du tartan ; car, quoique Waverley soit toujours un jeune homme de bon sens et d’honneur, je l’ai souvent trouvé distrait et inattentif. »

« Nous lui en sommes d’autant plus obligés, dit le prince, s’il avait réservé pour ce soir des qualités que même des amis si intimes ne soupçonnaient pas… Mais allons, messieurs, la nuit s’avance, et il faut songer un peu à notre besogne de demain : que chacun offre la main à sa belle et me fasse l’honneur d’accepter un léger rafraîchissement. »

Il conduisit la société dans d’autres appartements et prit place sous un dais, dans un magnifique fauteuil, à la tête d’une longue file de tables, avec cet air de dignité et de courtoisie qui convenait si bien à sa haute naissance et à ses grandes prétentions. Une heure s’était à peine écoulée lorsque les musiciens jouèrent le signal du départ si connu en Écosse[1].

« Bonne nuit, donc, dit le Chevalier en se levant ; bonne nuit, mille prospérités à vous tous ! Bonne nuit, mes belles dames qui avez fait tant d’honneur à un prince proscrit et exilé ; bonne nuit, mes braves amis… Puisse le bonheur que nous avons goûté ce soir être le présage d’un retour prompt et triomphal dans cet antique château de mes pères ! le présage de nombreuses, de fort nombreuses réunions, présidées par la gaieté et le plaisir, dans le palais d’Holy-Rood ! »

Lorsque le baron de Bradwardine, dans la suite, racontait ces adieux du Chevalier, il ne manquait jamais de répéter d’une voix mélancolique :

  1. C’était ou ce devait être : « Bonne nuit et la joie soit avec vous ! »