Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/337

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destiné, il pouvait en concevoir l’espérance, à remplir un rôle important dans la révolution qui allait ébranler un grand royaume ; supérieur sans doute pour l’esprit, et du moins égal, pour les avantages physiques, à la plupart des nobles et seigneurs parmi lesquels il tenait alors un rang distingué ; jeune, riche, bien né…, pouvait-il ou devait-il languir pour les beaux yeux d’une beauté capricieuse ?


Ô nymphe, quels que soient tes dédains, ta rigueur,
Mon cœur ne sera pas moins cruel que ton cœur.


Les sentiments renfermés dans ces jolis vers, qui pourtant n’étaient pas composés alors, déterminèrent Waverley à convaincre Flora qu’il n’était pas découragé par un refus ; sa vanité lui disait tout bas qu’elle y perdrait peut-être plus que lui, et pour hâter ce changement si soudain, une espérance vint flatter Waverley à son insu : miss Flora apprendrait sans doute à mieux apprécier l’affection de son amant quand elle ne se verrait plus tout à fait maîtresse de l’enflammer ou de l’éteindre à son gré. Il y avait aussi un ton mystérieux d’encouragement dans les paroles du Chevalier ; mais il craignait qu’elles ne se rapportassent qu’au désir de Fergus pour son union avec sa sœur. Enfin pourtant, diverses considérations, le moment, le lieu, la circonstance, se réunirent pour éveiller son imagination et lui faire déployer un caractère mâle et ferme, laissant au sort le soin du dénoûment. Si lui seul paraissait triste et abattu la veille d’une bataille, avec quelle joie les mauvaises langues qui s’étaient déjà tant occupées de sa réputation, broderaient un nouveau conte !… « Jamais, jamais, s’écria-t-il, des ennemis que je n’ai pas provoqués n’auront le plaisir de m’adresser des injures méritées ! »

Influencé par ces idées diverses et excité de temps à autre par un sourire d’intelligence et d’approbation du prince, lorsqu’il passait de ce côté, Waverley fit dépense d’imagination, de vivacité et d’éloquence, et s’attira l’admiration générale de la société. Peu à peu la conversation prit un tour plus favorable encore à ses talents et à ses connaissances ; la gaieté de la soirée étant plutôt animée que troublée par les périls du lendemain, tous les esprits espéraient pour l’avenir et songeaient à jouir du présent. Cette disposition de l’âme est surtout favorable à l’exercice des facultés de l’imagination, à la poésie, et à cette éloquence qui ressemble tant à la poésie. Waverley, comme nous l’avons ailleurs observé,