Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les chants et les festins. Tous ces objets à coup sûr devaient émouvoir et enflammer une imagination romanesque.

Mais Waverley avait bien autre chose à penser, et un incident qui survint tout à coup était de nature à troubler ses plus profondes méditations. Balmawhapple, dans l’orgueil de son cœur, fit avec son petit corps de cavalerie le tour des murailles du château, ordonna à son trompette de sonner une fanfare, et au cornette de déployer son étendard. Cette insulte fut apparemment sentie ; car dès que la cavalerie fut assez loin de la batterie du sud pour qu’on pût pointer contre elle un canon, un éclair sortit par une des ouvertures du rocher, et avant même qu’on entendît la détonation qui l’accompagna, Balmawhapple sentit passer en sifflant au-dessus de sa tête un boulet qui, allant frapper la route quelques pas plus loin, fit rejaillir sur lui la poussière. Besoin ne fut pas de commander le galop, car, cédant tous à l’impulsion du moment, ils forcèrent les chevaux de M. Jinker à montrer leur agilité ; et se retirant plutôt avec vitesse qu’en bon ordre, ils ne reprirent le trot, comme l’observa dans la suite le lieutenant, qu’après avoir descendu une éminence, qui les mettait à l’abri d’un deuxième compliment aussi peu agréable que le premier. Je dois pourtant à la justice de dire, que non-seulement Balmawhapple se tint à l’arrière-garde et s’efforça de rétablir les rangs, mais encore qu’emporté par sa valeur, il riposta au canon en tirant un coup de pistolet du côté des murailles : mais comme c’était à un demi-mille de distance, je n’ai pu savoir si cet acte de vengeance avait eu grand résultat.

Les voyageurs traversèrent alors la mémorable plaine de Bannockburn et arrivèrent à Torwood, lieu de glorieuse et terrible mémoire pour les paysans écossais, puisqu’il leur rappelle les exploits de Wallace et les cruautés de Wude-Willie Grime. À Falkirk, ville déjà fameuse dans l’histoire d’Écosse, et qui allait devenir plus célèbre encore, comme théâtre de la guerre, Balmawhapple proposa de s’arrêter pour la nuit. On n’eut dans cette halte aucun égard à la discipline militaire : son digne quartier-maître ne songea qu’à trouver l’endroit où se vendait la meilleure eau-de-vie ; on crut inutile de poser des sentinelles, et il n’y eut de consigne que pour aller chercher la liqueur. Cinq ou six hommes déterminés eussent facilement taillé toute la troupe en pièces ; mais de tous les habitants, quelques-uns étaient favorables aux cavaliers, le plus grand nombre était indifférent, le reste glacé