Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/310

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encore une fois des demandes et des réponses, plaisir dont il était depuis si long-temps privé. Mais Balmawhapple se rappelait sans doute la blessure qu’il avait reçue du baron de Bradwardine, et dont Édouard avait été la cause involontaire, et cet affront faisait encore saigner le cœur de l’homme mal élevé et pourtant orgueilleux ; il évita donc soigneusement de paraître avoir reconnu notre héros, et se mit bravement à la tête de ses hommes qui étaient décorés du titre de « brigade du capitaine Falconer, » bien qu’ils fussent à peine assez nombreux pour former une escouade, et précédés par un trompette qui sonnait de temps en temps, et par un étendard que portait le cornette Falconer, son plus jeune frère ; le lieutenant, vieillard bien vert, avait l’air peu noble, mais d’un excellent homme. L’enjouement animait chez lui une figure et des traits communs, qui de plus annonçaient une intempérance habituelle ; il portait, comme c’était l’usage alors, un chapeau retroussé sur l’oreille, et tout en sifflant l’air de Rob[1] de Dumblain, sous l’influence d’une demi-pinte d’eau-de-vie, il semblait trotter joyeusement avec une heureuse indifférence pour l’état du pays, la conduite de la troupe, le but du voyage, et tout autre objet de ce monde.

Voyant ce personnage se balancer et à droite à gauche sur son cheval, Waverley espéra en tirer quelques renseignements, ou du moins faire diversion à l’ennui du voyage en causant.

« Voilà une belle soirée, monsieur, » dit Édouard en l’abordant.

« Oh ! oui, monsieur ! une nuit superbe, » répondit le lieutenant dans l’écossais le plus vulgaire.

« Et une belle moisson, sans doute, » continua Waverley en revenant à l’attaque. — « Oui, la récolte est assez bonne ; mais les fermiers, le diable les brûle ! et les marchands de fourrages vont encore renchérir pour faire du tort à ceux qui ont des chevaux à nourrir. » — « Vous êtes peut-être quartier-maître, monsieur ? »

« Oui, quartier-maître, maître d’équitation et lieutenant, répondit l’officier factotum ; et pour sûr personne ne sait nourrir, entretenir ces pauvres bêtes mieux que moi qui les achète et les vends. »

— « Oserai-je vous prier, monsieur, si ce n’est pas prendre trop de liberté, de me dire où nous allons en ce moment ? »

  1. Rob, abréviation du mot Robert. a. m.