Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/287

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une grande connaissance des hommes et du monde. M. Morton avait un fond de gaieté douce et tranquille, qui manquait rarement d’animer une société peu nombreuse où il se trouvait à son aise. Waverley, dont la vie était un rêve, s’abandonna à l’impression du moment et devint le plus gai des trois. Il avait en tout temps un talent remarquable pour la conversation, mais le découragement le rendait aisément silencieux. En cette occasion, il se piqua de se montrer à ses compagnons comme un homme qui, au milieu des circonstances les plus inquiétantes, supportait son infortune avec calme et enjouement. Son esprit, qui manquait peut-être de force, était prompt et fécond ; il lui fournit les moyens de briller. Les trois convives étaient engagés dans une conversation animée, chacun paraissait content des deux autres, et l’hôte, qui n’était pas le moins aimable, demandait une troisième bouteille de Bourgogne, quand on entendit à quelque distance le bruit d’un tambour. Le major, à qui la gaieté naturelle à un vieux soldat avait fait oublier ses devoirs de magistrat, maudit avec un juron militaire le contre-temps qui le rappelait à ses fonctions judiciaires. Il se leva, et s’approcha de sa fenêtre qui donnait sur la grande route : ses deux hôtes le suivirent.

Le tambour approchait : ce n’était pas le son régulier d’une marche militaire, mais une espèce de roulement semblable à celui du tambour pour les incendies, lorsqu’il éveille les artisans endormis d’un bourg d’Écosse. L’auteur de cette histoire se fait un devoir de rendre justice à tout le monde : il doit donc déclarer pour la justification du musicien, supposé qu’on puisse donner ce nom à un tambour, qu’il n’avait point caché qu’il ne pouvait exécuter aucune marche ou air militaire, comme dans l’armée anglaise ; en conséquence, il avait commencé celui des tambours de Dumbarton. Mais il lui fut imposé silence par Gifted Gilfillan, le commandant de la troupe, qui ne voulut pas permettre à ses gens de marcher au bruit de son air profane, et même, comme il le disait, persécuteur ; et il enjoignit au tambour de battre le cxixe psaume. Comme cela était au-dessus de la capacité de l’artiste qui frappait sur une peau de mouton, il fut réduit à se rabattre sur un ranplan-plan, faible mais innocente compensation de la musique sacrée que son talent ou son instrument ne lui permettait pas d’exécuter. Ceci pourra paraître une particularité sans importance, néanmoins le tambour dont il s’agit n’était rien