Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rendu circonspect. Il avait vu dans la société beaucoup de mal, et quoique lui-même magistrat intègre et homme de bien, ses opinions sur les autres étaient toujours sévères, quelquefois jusqu’à l’injustice. Au contraire, M. Morton, après les travaux littéraires de l’université, où il était aimé de ses camarades et considéré de ses maîtres, avait pris possession de la vie heureuse et tranquille qu’il menait encore ; là, il n’avait eu que bien peu d’occasions de voir le mal, et toujours pour encourager le repentir et l’amendement des coupables ; ses paroissiens, pleins d’amour et de respect pour lui, s’acquittaient, pour ainsi dire, de la tendre affection qu’il leur portait, en lui cachant ce qui l’aurait vivement affligé, les infractions aux lois de la morale qu’il leur recommandait avec tant de zèle et d’onction de suivre. Quoique le major et lui fussent bien vus dans le pays, c’était cependant un proverbe fort répandu que le laird ne connaissait que le mal qui se faisait dans la paroisse, et le ministre que le bien.

L’amour des lettres, quoique subordonné à ses études et à ses devoirs comme ecclésiastique, était l’un des goûts les plus vifs du pasteur de Cairnvreckan. Ce goût avait donné, dans sa jeunesse, à son esprit une tournure un peu romanesque, tournure que les accidents de la vie réelle n’avaient pas entièrement détruite. La mort prématurée d’une femme jeune et aimable, qu’il avait épousée par amour, et que suivit bientôt dans la tombe un fils unique, répandait encore, bien des années après ces tristes événements, une teinte de mélancolie sur un caractère naturellement doux et rêveur. Ses sentiments en cette occasion ne pouvaient donc s’accorder avec ceux du militaire rigide, du magistrat sévère, de l’homme du monde soupçonneux.

Quand les domestiques se furent retirés, le silence continua entre les deux convives, jusqu’à l’instant où le major Melville, après avoir rempli son verre et passé la bouteille à M. Morton, commença l’entretien.

« Voilà une affligeante affaire, monsieur Morton ! Je crains que ce jeune homme ne se soit lui-même attaché la corde au cou… »

« Que Dieu nous en préserve ! » répondit le ministre.

« Ainsi soit-il ! répondit le magistrat ; mais je doute que votre logique, tout indulgente qu’elle soit, puisse empêcher cette conclusion. »

« Sûrement, major, répondit l’ecclésiastique, je puis espérer