Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/251

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Waverley oubliait les procédés de Flora Mac-Ivor, en songeant à sa magnanimité, et lui pardonnait presque la froideur dont elle payait son attachement, en se rappelant quels sublimes sentiments remplissaient son âme tout entière. Si un sentiment exalté de reconnaissance concentrait à ce point toutes ses facultés dans la cause de son bienfaiteur, avec quelle sensibilité n’aimerait-elle pas l’homme qui serait assez heureux pour toucher son cœur ? Il se demandait ensuite s’il était jamais destiné à être cet heureux mortel, et son imagination cherchait à répondre à cette question d’une manière propre à flatter ses vœux, en lui rappelant tout ce qu’elle avait pu dire à sa louange, et en y ajoutant un commentaire plus flatteur que le texte ne l’y autorisait. Tout ce qui appartenait à la vie réelle, aux actions communes et banales qu’elle ramène tous les jours, disparaissait dans ces rêves de l’imagination, qui ne lui représentaient Flora qu’avec la grâce et la dignité qui la distinguaient réellement de la généralité de son sexe, sans lui permettre d’apercevoir les traits par lesquels elle appartenait à l’humanité. Édouard enfin était bien près de faire une divinité de la jeune personne dont la beauté, les talents et le noble caractère l’avaient séduit, et le temps se passait à faire des châteaux en Espagne, quand il arriva à une descente rapide qui lui fît découvrir à ses pieds le petit bourg…

La politesse montagnarde de Callum Beg[1] (et je dirai en passant qu’il y a peu de nations qui puissent se vanter d’autant de politesse naturelle que les montagnards) ; les idées de civilité de Callum Beg, dis-je, ne lui avaient pas permis de troubler les rêveries de notre héros. Mais en l’en voyant sortir à l’aspect du bourg, il s’approcha de lui, et lui dit qu’il espérait qu’étant à l’auberge, son honneur voudrait bien ne pas parler de Vich-Jan-Vohr, car les gens de cet endroit étaient des enragés whigs, au point qu’il souhaitait que le diable voulût les exterminer.

Waverley assura au prévoyant page qu’il serait prudent ; et ayant remarqué non pas le son des cloches, mais le tintement de quelque chose qui ressemblait à un marteau frappant contre les côtés d’un vieux chaudron vermoulu qu’on avait retourné et sus-

  1. Les Highlandais, autrefois, gardaient, dit l’auteur, une haute opinion d’eux-mêmes qu’ils désiraient communiquer à tous ceux avec lesquels ils conversaient. Leur langage était rempli d’expressions de politesse et de courtoisie ; et par l’habitude qu’ils avaient de porter les armes et de se mêler avec ceux qui les portaient aussi, il était important qu’ils observassent entre eux les règles de la plus scrupuleuse politesse. a. m.