Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/240

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puis vous aimer comme vous méritez de l’être… Ah ! ne regrettez pas, je vous en conjure, dans votre propre intérêt, une épreuve si dangereuse ! la femme que vous épouserez doit partager vos sentiments et vos opinions ; vos goûts et vos occupations doivent être les mêmes : le désir, la crainte, les espérances, en un mot toutes les émotions du cœur doivent être communes entre vous : elle doit augmenter vos plaisirs, partager vos chagrins, adoucir votre mélancolie. » — « Et pourquoi, vous qui savez si bien décrire les douceurs d’une heureuse union, n’en réaliseriez-vous pas pour moi l’image délicieuse ? »

« Je vois que vous ne voulez pas me comprendre, répondit Flora ; ne vous ai-je pas dit que toute la sensibilité dont mon âme est capable est concentrée dans un événement au succès duquel je ne puis contribuer, hélas ! que par mes ardentes prières ? »

« Et si vous daigniez exaucer les miennes, dit Waverley trop emporté par ses sentiments pour réfléchir à ce qu’il allait dire, ne serviriez-vous pas les intérêts de la cause à laquelle vous vous êtes dévouée ? ma famille est riche et puissante, portée par principes pour la famille des Stuarts ; et si une occasion favorable… »

« Une occasion favorable ! dit Flora d’un air un peu dédaigneux… portée par principes… ! Et croyez-vous qu’une adhérence aussi tiède puisse être honorable pour elle, et flatteuse pour votre légitime souverain ? Pensez, d’après ma manière de sentir, ce que j’éprouverais en entrant dans une famille qui soumettrait aux plus froides discussions les droits qui sont à mes yeux les plus sacrés, et qui ne les jugerait dignes d’être soutenus que lorsqu’ils seraient sur le point de triompher sans son appui. »

« Vos craintes sont injustes en ce qui me concerne, reprit vivement Waverley ; je saurai soutenir la cause que j’aurai embrassée, quels que soient les dangers qu’elle présente, avec autant d’intrépidité que le plus hardi qui ait tiré l’épée en sa faveur. » — « C’est ce dont je ne puis douter un moment. Mais consultez votre bon sens et votre raison plutôt qu’une inclination irréfléchie et qui n’est due peut-être qu’au hasard qui vous a fait rencontrer dans une retraite écartée et romantique une jeune personne dont les talents fort ordinaires ne vous auraient pas frappé partout ailleurs ; que ce soit donc la conviction qui vous fasse prendre un rôle dans ce grand et dangereux drame, et non un sentiment soudain et passager. »

Waverley voulut essayer de répondre, mais les paroles lui