Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/202

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que Waverley aperçut le circuit au moyen duquel le sentier faisait le tour de ce formidable obstacle. Dans un autre endroit, les rocs qui se projetaient des côtés opposés de la gorge, se trouvaient à une distance si rapprochée, que deux pins couchés en travers, et garnis de gazon, formaient un pont rustique dont la hauteur était de cent cinquante pieds au moins. On n’y apercevait point d’appuis, et sa largeur n’excédait pas trois pieds.

En contemplant ce périlleux passage, qui, comme une ligne noire, traversait le petit espace non intercepté par la projection des rochers, ce fut avec une sensation d’horreur que Waverley vit paraître Flora et sa suivante. Il la vit aussi, semblable à une créature aérienne et imaginaire, poser le pied sur cette construction tremblante. Flora, ayant aperçu le capitaine au-dessous d’elle, s’arrêta, et avec un air gracieux qui le fit frémir, elle agita son mouchoir en forme de signal. Et tel était le vertige que causait à Édouard le péril auquel elle exposait sa vie, qu’il n’eut pas la force de répondre à son salut ; et il n’avait jamais éprouvé plus de soulagement que lorsqu’il vit la belle apparition quitter la dangereuse éminence où elle était restée d’un air si indifférent, et disparaître de l’autre côté du ruisseau.

Waverley s’avança alors, et passa sous le pont dont la vue lui avait causé tant de terreur. Le sentier montait rapidement depuis le bord du ruisseau, et le vallon s’élargissait au point de former un agreste amphithéâtre ; on y voyait quelques bouleaux, de jeunes chênes, des noisetiers et des ifs épars çà et là. Dans ce lieu, les rochers disparaissaient, on n’apercevait plus à travers les bois que leurs crêtes grises et ombragées. On voyait un peu plus haut des pics et des éminences, les uns stériles et nus, les autres boisées ; celles-ci rondes et couvertes de bruyères, ceux-là fendus et inégaux. Waverley, en suivant le sentier, perdit bientôt de vue le ruisseau, et après un léger détour, il se trouva soudain placé en face d’une cascade tout à fait romantique. On admirait moins sa hauteur et la masse de ses eaux que le site agreste où elle se trouvait placée. La cataracte avait à peu près vingt pieds de hauteur ; les eaux étaient reçues dans une immense bassin, formé par la nature ; elles étaient d’une limpidité telle, que dans les endroits où les bulles formées par la chute s’évaporaient, l’œil pouvait apercevoir les cailloux qui se trouvaient au fond du bassin, quelle qu’en fût la profondeur. Le ruisseau, après être sorti de ce réservoir, serpentait sur une surface assez unie, après quoi il