Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/197

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pendue à la branche la plus élevée » il reçut en présent, de tous les membres du clan, plus d’orge qu’il n’aurait pu en semer pendant dix ans dans son Parnasse des Highlands, appelé the Bard’s Croft, ou Champ du Barde.

Par situation, aussi bien que par choix, la société de miss Mac-Ivor était extrêmement limitée. Sa plus intime amie avait été Rose Bradwardine, à laquelle elle était très-attachée ; et lorsqu’on les apercevait ensemble, elles auraient pu fournir à un artiste deux admirables sujets, l’un enjoué, l’autre mélancolique. En effet, Rose était tellement aimée de son père, et le cercle de ses désirs était tellement limité, qu’elle n’en manifestait pas un seul qu’on ne cherchât à satisfaire, et il était rare qu’on n’arrivât pas à ce but. Il n’en était pas de même de Flora. Encore enfant, elle avait éprouvé un changement de fortune extraordinaire. À la joie et à la splendeur avaient succédé alors la solitude et la pauvreté ; et les idées, les désirs qui l’occupaient étaient relatifs à de grands événements nationaux qui ne pouvaient s’opérer sans hasards, sans effusion de sang, et sur lesquels l’esprit ne pouvait se reporter avec une humeur légère et frivole. En conséquence, ses manières étaient généralement graves, quoiqu’elle s’empressât de contribuer par ses talents à l’amusement de la société, et qu’elle jouît de la plus grande considération dans l’opinion du vieux baron, qui avait coutume de chanter avec elle des duo français, tels que celui de Lindor et Chloris, ainsi que cela était d’usage vers la fin du règne de Louis-le-Grand.

On pensait généralement, quoique personne n’osât le donner à entendre au baron de Bradwardine, que les prières de Flora n’avaient pas peu contribué à apaiser la colère de Fergus à l’occasion de la querelle qu’il avait eue avec celui-ci. Elle sut attaquer son frère par son côté faible, d’abord en appuyant sur l’âge du baron, et ensuite en lui représentant le coup que la cause des Stuarts pourrait éprouver, et l’échec que recevrait sans doute l’opinion que l’on avait de sa prudence, qualité si nécessaire à un agent politique, s’il persistait à jouer ce rôle jusqu’à l’extrémité. Il est probable que sans l’intervention de Flora, cette querelle eût été terminée par un duel ; d’abord parce que le baron avait, dans une première occasion, répandu le sang d’un membre du clan, quoique l’affaire eût été arrangée à temps, et de plus, parce qu’il possédait la réputation d’un homme habile à manier les armes, réputation à laquelle Fergus portait envie. Par cette même