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sa main à trois hommes avec leur sabre au côté ? » Se tournant alors vers la compagnie, il proposa un toast en l’honneur du capitaine Waverley, le digne ami de son honorable voisin et allié le baron de Bradwardine. »

« Il est le bienvenu dans ces montagnes, dit un des anciens, s’il vient de la part de Cosme Comyne de Bradwardine. »

« Je ne partage pas cet avis, dit un vieillard, qui sans doute n’approuvait pas ce toast ; car tant qu’il y aura une feuille verte dans la forêt, il se trouvera de la fraude dans le cœur d’un Comyne. »

« Il n’y a rien que d’honorable dans le caractère du baron de Bradwardine, fit observer un autre ancien, et l’hôte qui vient de sa part doit être le bienvenu, ses mains fussent-elles teintes de sang, pourvu que ce ne soit pas de celui de la race d’Ivor. »

Le vieillard dont la coupe restait toujours pleine ajouta : « Il y a eu assez de sang de la race d’Ivor répandu par la main de Bradwardine. »

« Ah ! Ballenkeiroch, répondit le premier, vous pensez au coup de carabine donné aux mains[1] de Tully-Veolan, et vous oubliez qu’à Preston il tira l’épée pour la bonne cause. »

« Et ce n’est pas sans raison, dit Ballenkeiroch : le coup de carabine me priva d’un fils, et le coup d’épée a fait fort peu pour la cause du roi Jacques. »

Le chieftain expliqua alors brièvement à Waverley, en français, que dans une querelle qui avait eu lieu près de Tully-Veolan sept années auparavant, le baron avait tué le fils de ce vieillard. Le chieftain se hâta de détruire les préjugés de Ballenkeiroch en lui annonçant que Waverley était Anglais, qu’il n’était attaché à la famille de Bradwardine ni par naissance ni par parenté ; après cette explication le vieillard saisit et éleva la coupe à laquelle jusqu’alors il n’avait pas touché, et la but avec courtoisie en l’honneur de Waverley. Cette cérémonie achevée, le chieftain fit par un signe cesser les cornemuses, et dit à haute voix : « Mes amis, les chants sont-ils cachés de manière que Mac Murrough ne puisse les retrouver ? »

Mac Murrough, le barde de la famille, homme âgé, comprit la signification de ces paroles, et se mit à chanter, tantôt lentement, tantôt avec rapidité, une longue suite de vers celtiques que les auditeurs accueillirent avec tous les applaudissements de l’en-

  1. Main, certaine étendue de terre qui entoure un manoir. a. m.