Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/181

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lequel se trouvaient alors les Highlands du Perthshire favorisait ses projets. Un baron puissant de ce pays venait tout récemment de trahir les intérêts de la couronne : Jan (c’était le nom de notre aventurier de la famille des Fergus) se joignit à ceux qui étaient chargés par le roi de punir le traître, et il rendit des services d’une telle importance, qu’il obtint la cession de biens considérables sur lesquels il ne cessa de résider, et après lui sa famille. Jan suivit aussi le roi dans la guerre qu’il fit dans les régions fertiles de l’Angleterre, et, au milieu de cette expédition, il employa si activement ses heures de loisir à lever des subsides sur les habitants du Northumberland et du Durham, qu’à son retour il put élever une tour ou forteresse en pierre tellement admirée de ses partisans et de ses voisins, que lui, qui jusqu’alors avait été appelé Jan Mac-Ivor, ou Jan fils d’Ivor, fut ensuite distingué dans les chansons et la généalogie par le noble titre de Jan Nan Chaistel, ou Jean de la Tour. Les descendants de ce digne chef étaient si fiers de lui, que le chef régnant portait toujours le titre patronymique de Vich Jan-Vohr, c’est-à-dire, fils de Jean-le-Grand ; et le clan, pour être distingué de celui dont il s’était séparé, était généralement connu sous la dénomination de Sliochd Nan Ivor, race d’Ivor.

Le père de Fergus, dixième descendant direct de Jean de la Tour, prit la part la plus active dans l’insurrection de 1715, et fut forcé de fuir en France, les tentatives faites alors pour relever la maison des Stuarts ayant été infructueuses. Plus heureux que les autres fugitifs, il obtint du service dans l’armée française, et épousa, dans ce royaume, une femme d’un rang élevé qui le rendit père de deux enfants, Fergus et Flora ; ce dernier enfant était une fille. Les biens qu’il avait en Écosse avaient été confisqués et vendus ; mais ils furent rachetés à vil prix au nom du jeune Fergus, qui vint alors habiter les domaines de ses pères[1]. On s’aperçut bientôt qu’il possédait une vivacité d’esprit vraiment rare, qu’il était plein de feu et d’ambition : aussi, dès qu’il se fut pénétré de la situation du pays, il acquit peu à peu ce ton parti-

  1. Cette circonstance se présenta plusieurs fois. Ce ne fut réellement, observe l’auteur, qu’après la destruction totale de l’influence des clans, après 1745, qu’on put trouver des acquéreurs qui offrissent un prix raisonnable des biens confisqués en 1715. Ces biens furent alors mis en vente par les créanciers de la compagnie des constructeurs d’York, qui avait acheté le tout ou la plus grande partie au gouvernement, et à un prix très-modique. Même à l’époque de 1745, les préventions du public en faveur des héritiers des familles dont les biens avaient été confisqués apportèrent divers obstacles à la vente de ces propriétés. a. m.