Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/176

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car nous servons son roi sans nous inquiéter de ce qu’il est. Personne ne peut dire d’ailleurs que nous soyons maintenant les soldats du roi George, lorsqu’il y a plus d’un an que nous n’avons touché de solde. »

Édouard, trouvant ce dernier argument sans réplique, se garda bien d’essayer d’y répondre, et ramena la conversation sur Donald Bean Lean.

« Donald se contente-t-il d’enlever le bétail ou fait-il butin de tout ce qu’il trouve sur son chemin ? » — « Tout est à sa convenance ; mais plus particulièrement les vaches, les chevaux ou les chrétiens ; les brebis font la route trop lentement : d’ailleurs, outre cet inconvénient, il n’est pas facile de s’en défaire dans le pays. » — « Il enlève donc des hommes et des femmes ? » — Sans doute ; ne vous a-t-il pas parlé hier soir de sa capture du bailli de Perth ? La rançon de ce digne homme lui coûta cinq cents marcs d’argent, que l’on apporta à l’entrée méridionale du défilé de Bally-Brough. Il faut que je vous raconte un bon tour de Donald[1]. On devait bientôt, dans la vallée de Mearns, célébrer le mariage de lady Cramfeezer (elle était veuve et d’un certain âge) avec le jeune Gilliewhackit qui, en vrai gentilhomme, avait dissipé meubles et immeubles aux combats de coqs, aux combats de taureaux, aux courses de chevaux ; Donald Bean Lean ayant appris que le fiancé, qui voulait se marier pour attraper de l’argent, était fort aimé de la dame, à l’aide de ses gens il enleva Gilliewhackit un soir qu’il allait soupirer ou plutôt souper chez sa fiancée, le conduisit avec la rapidité de l’éclair dans les montagnes, et le mit à l’abri dans la caverne du Roi, où il eut tout le temps de stipuler sa rançon, que Donald ne voulait pas mettre à moins de mille livres. » — « Diable ! » — « De mille livres d’Écosse[2] ;

  1. L’histoire du marié enlevé par les Caterans, le jour même de ses noces, est prise d’une histoire semblable racontée à l’auteur, il y a quelques années, par le feu laird de Mac Nab. Enlever des personnes des Lowlands, et exiger une rançon pour leur délivrance, était une coutume assez ordinaire chez les Highlandais sauvages, comme on dit que cela se pratique de nos jours chez les bandits du midi d’Italie. Voici le trait auquel on fait allusion : un parti de Caterans enleva un nouveau marié et le cacha dans un antre, près de la montagne de Schihallion. Le jeune homme fut attaqué de la petite vérole avant que l’on fût d’accord sur le prix de sa rançon ; mais soit par suite de la fraîcheur de l’endroit où il se trouvait, soit par suite du défaut de secours médical, ce que Mac Nab ne prétend point assurer positivement, le prisonnier recouvra la santé, paya sa rançon et fut rendu à ses amis et à sa jeune épouse. Mais on pensa toujours que les voleurs highlandais lui avaient sauvé la vie par leur manière de traiter la maladie dont il avait été attaqué. » a. m.
  2. Une livre d’Écosse ne vaut que 2 francs, tandis que la livre sterling vaut 25 fr. a. m.