Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/174

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serait pendu au gracieux gibet de Crieff[1] où son père, son grand-père, sont morts, où j’espère qu’il mourra lui-même, s’il ne meurt d’un coup de feu ou d’un coup de sabre dans un creagh ou une maraude. » — « Evan, vous espérez une telle mort pour votre ami ? » — « Certainement ; voudriez-vous que je lui souhaitasse de mourir sur une botte de paille humide, au fond de sa caverne, comme un chien galeux ? » — « Mais que deviendrait alors Alice ? » — « Comme, si cet accident arrivait, son père ne pourrait plus la protéger, qui m’empêcherait de l’épouser, et de me charger de ce soin ? « — « Noble projet ; mais en attendant, dites-moi, qu’est-ce que celui qui sera votre beau-père, s’il est pendu, a fait des vaches du baron ? » — « Avant que le soleil fût levé sur Ben-Lawers, votre domestique et Allan Kennedy chassaient le troupeau devant eux ; ils doivent être maintenant au défilé de Bally-Brough : et toutes les vaches arriveront bientôt dans les parcs de Tully-Veolan, à l’exception de deux, qui malheureusement avaient été égorgées avant mon arrivée à la caverne du Roi. »

« Et où allons-nous, Evan, si j’ose vous le demander ? » dit Waverley. — « Où voulez-vous que je vous mène si ce n’est au manoir du laird, à Glennaquoich ? Je pense que vous ne voudriez pas venir dans ce pays sans lui faire votre visite ? ce serait un crime digne de mort. » — « Mais sommes-nous loin de Glennaquoich ? » — « Il n’y a plus guère que cinq petits milles, et Vich-Jan-Vohr viendra au-devant de nous. »

Environ une demi-heure après, ils arrivèrent au bout du lac, et lorsque Édouard fut descendu à terre, les deux Highlandais conduisirent la barque dans un enfoncement, au milieu d’une forêt de joncs et de roseaux, où elle était parfaitement cachée. Ils cachèrent les rames en un autre endroit, avec l’intention sans doute que Donald Bean Lean pût seul les trouver, lorsqu’il viendrait dans ces parages. »

Les voyageurs marchèrent quelque temps au milieu d’un vallon

  1. La dernière génération se rappelle avoir vu ce célèbre gibet à l’extrémité occidentale du bourg de Crieff, dans le comté de Perth. Nous ne pouvons dire précisément au lecteur le motif qui avait fait donner à ce gibet le nom de douce potence ou gracieux gibet ; mais on rapporte que les Highlandais, lorsqu’ils passaient près de ce lieu qui avait été si fatal à tant de leurs compatriotes, avaient coutume de toucher leur toque, et de s’écrier : « Que Dieu me bénisse et que le diable vous emporte ! » Peut-être avait-on donné a cette potence l’épithète de douce, parce qu’elle était une espèce de lieu de rassemblement commun aux compatriotes et aux parents de ceux qui devaient y souffrir, et accomplir ainsi leur propre destinée. a. m.