Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/15

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genre de composition : je jetai donc sans regret ou sans remontrance l’œuvre que j’avais commencée. Je dois ajouter que, quoique le jugement de mon spirituel ami se soit trouvé plus tard en défaut, par suite d’un appel que je fis au public, je ne prétends nullement, à raison de cette circonstance, douter de son goût délicat en littérature, car le morceau que je soumis à sa critique ne s’étendait point au-delà du départ de mon héros pour l’Écosse, et conséquemment mon ami n’avait point eu connaissance de la partie du roman qui fut considérée comme offrant le plus d’intérêt.

Quoi qu’il en soit, cette portion du manuscrit fut serrée dans les tiroirs d’un vieux pupitre qui, lorsque je vins résider pour la première fois à Abbotsford, en 1811, fut placé dans un grenier où se trouvaient quelques autres meubles, et entièrement oublié. Ainsi, quoique, au milieu de mes autres occupations littéraires, Je tournasse quelquefois mes pensées vers la continuation du roman que j’avais commencé, cependant, comme je ne pus retrouver ce que j’avais écrit, quelles que fussent mes recherches dans les meubles qui étaient à ma portée, et étant d’ailleurs trop indolent pour essayer de l’écrire de nouveau de mémoire, je renonçai souvent à toutes idées de cette nature.

Deux circonstances surtout reportèrent mes souvenirs vers le manuscrit égaré. La première fut la réputation belle et bien méritée de miss Edgeworth. Les caractères irlandais peints dans ses romans ont fait connaître aux Anglais l’humeur gaie et bienveillante de leurs voisins les Irlandais ; de manière que l’on peut dire vraiment d’elle, qu’elle a plus fait pour compléter l’Union, que peut-être tous les actes législatifs qui en ont été la suite.

Sans être assez présomptueux pour espérer égaler la richesse d’imagination, la tendresse pathétique, le tact admirable, qui distinguent les ouvrages de mon excellente amie, je sentis que je pouvais tenter, en faveur de mon propre pays, quelque chose de semblable à ce que miss Edgeworth avait si heureusement exécuté pour l’Irlande ; quelque chose qui présentât mes compatriotes aux Anglais, leurs concitoyens, sous un jour plus favorable qu’on n’avait fait jusqu’alors ; quelque chose enfin qui excitât de la sympathie pour leurs vertus, et de l’indulgence pour leurs faiblesses. Je pensais aussi qu’il me serait possible de suppléer à tout ce qu’il me manquait en talent par la connaissance intime que j’avais du sujet que je pouvais me vanter de posséder ;