Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/139

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un chapeau à ganses, une perruque à bourse, et tenant un arc à la main. Édouard ne put s’empêcher de sourire du costume, et de l’étrange ressemblance qu’il y avait entre la figure ronde, blanche et vermeille du portrait, et le visage maigre, la barbe, les yeux creux et les rides que les voyages, les fatigues de la guerre et l’âge avaient donnés à l’original. Le baron se mit lui-même à rire, et dit à son hôte : « Ce tableau est une fantaisie de femme de ma bonne mère, fille du laird de Tulliellum : capitaine Waverley, je vous ai montré l’emplacement de son manoir quand nous étions sur le haut du Shinny-Heuch ; il fut brûlé en 1715 par les Hollandais venus comme auxiliaires du gouvernement. Je ne me suis jamais depuis fait peindre qu’une seule fois, et ce fut à la demande particulière et réitérée du maréchal duc de Berwick. »

Ce brave gentilhomme ne dit point à Édouard, ce que M. Rubrick lui apprit ensuite, que le duc lui avait fait cet honneur, parce qu’il était monté le premier à l’assaut d’un fort en Savoie, dans la mémorable campagne de 1709, et qu’il s’y était défendu avec sa demi-pique pendant près de dix minutes avant qu’on vînt le secourir.

Il faut être juste envers le baron ; quoiqu’il fût très-porté à mentionner et même à exagérer la dignité et l’importance de sa famille, c’était un homme d’un courage trop vrai pour parler de tout ce qui pouvait prouver son mérite personnel.

Miss Rose sortit alors de sa chambre afin de recevoir son père et ses amis. Les petits travaux dont elle s’occupait habituellement montraient des dispositions qui n’avaient besoin que de culture. Son père lui avait appris le français et l’italien et sur les rayons de sa bibliothèque elle avait quelques ouvrages écrits dans ces deux langues ; il avait essayé aussi de lui donner des leçons de musique ; mais comme il avait commencé par les parties les plus absraites de l’art, ou peut-être parce qu’il n’était pas capable de l’enseigner, elle n’était encore parvenue qu’à chanter en s’accompagnant sur sa harpe, ce qui n’était pas très-commun en Écosse à cette époque. Par compensation, elle chantait avec beaucoup de goût, d’expression et de clarté ; elle aurait pu être proposée pour modèle à des dames plus fortes qu’elle en musique. Son bon sens naturel lui avait appris que si, comme le prétend une haute autorité, la musique doit se marier à l’immortelle poésie, trop souvent celui qui chante leur fait faire le divorce