Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/130

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était sorti de très-bonne heure, après avoir donné ordre de ne point éveiller son hôte.

Waverley, presque sans rien dire, s’assit avec un air de préoccupation qui n’était pas fait pour donner à miss Bradwardine une opinion favorable de son talent pour la conversation. Il répondit au hasard à deux ou trois réflexions qu’elle fit sur des sujets sans intérêt, de sorte que se sentant honteuse des inutiles efforts qu’elle faisait pour animer la conversation, et s’étonnant qu’il n’y eût pas plus d’usage du monde sous un habit rouge, elle l’abandonna à ses rêveries et le laissa maudire en lui-même la grande-ourse, constellation favorite du docteur Doubleit, comme la cause des malheurs qui déjà étaient arrivés et de ceux qu’elle pouvait amener. Mais soudain Waverley tressaillit, et le rouge lui monta au visage lorsqu’il vit à travers la croisée le baron et le jeune Balmawhapple bras dessus bras dessous, et en grande conversation. « M. Falconer a-t-il passé la nuit ici ? » demanda-t-il aussitôt à miss Rose, qui, un peu choquée de la brusquerie de la première question que lui adressait l’étranger, lui répondit sèchement que non, et le silence recommença.

Bientôt M. Saunderson entra, et dit au capitaine Waverley que son maître désirait lui parler dans un autre appartement. Édouard s’y rendit aussitôt, avec un violent battement de cœur, qu’on ne pouvait certainement pas attribuer à la peur, mais à un sentiment d’incertitude sur ce qui allait se passer ; il trouva les deux gentilshommes debout ; le baron avait un air de dignité et de satisfaction, tandis que le visage fier de Balmawhapple était pâle de chagrin ou de honte et peut-être des deux sentiments. Bradwardine lui prit le bras, de manière qu’ils paraissaient marcher ensemble, quand réellement il le conduisait ; s’avançant à la rencontre de Waverley, et s’arrêtant au milieu de l’appartement, il débita avec solennité le discours suivant :

« Capitaine Waverley, mon jeune et estimable ami, M. Falconer de Balmawhapple, voulant bien s’en remettre à mon âge et à mon expérience ; voulant bien me regarder comme un bon juge en tout ce qui regarde duels ou monomachies, me charge d’être son interprète et de vous exprimer le regret qu’il ressent en se rappelant certains mots qui lui sont échappés dans notre réunion d’hier soir, et qui n’ont pu manquer de vous blesser, vous qui servez sous le nouveau gouvernement. Il vous prie, monsieur, de mettre en oubli cette atteinte aux lois de la politesse, qu’il dé-