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PRÉFACE GÉNÉRALE.


Suis-je donc obligé de rendre compte de mes folies passées ?
shakspeare. Richard II, acte iv.


Ayant entrepris, dans cette préface, de rendre compte de ces compositions offertes ici au public, et de les accompagner de notes et éclaircissements, l’auteur, sous le nom de qui elles sont recueillies aujourd’hui pour la première fois, sent qu’il est chargé de la tâche délicate de parler de lui-même et de ses intérêts personnels d’une manière plus spéciale peut-être que la prudence ou les égards qu’il doit à ses lecteurs ne sembleraient le permettre. En un tel cas, et en se présentant ainsi au public, il court le risque de se trouver dans la même position que la femme muette dont il est parlé dans le recueil des Contes plaisants. Le mari de cette chère épouse, après avoir dépensé la moitié de sa fortune pour obtenir la guérison de l’infirmité dont elle était affectée, eût fait ensuite volontiers le sacrifice de l’autre moitié pour rendre la dame à son premier état. Mais enfin, cette chance que court l’auteur est inséparable de la tâche qu’il s’est imposée ; tout ce qu’il peut faire, c’est de promettre d’être aussi peu égoïste que sa situation le permettra. Et qu’on n’aille pas croire cependant qu’il soit peu disposé à tenir parole, si, parce qu’il s’est présenté au lecteur à la troisième personne du singulier, il se décide à faire usage de la première dans le paragraphe suivant. Toutefois il lui semble que la modestie apparente résultant de l’emploi du premier de ces modes (la troisième personne) est plus que balancée par l’inconvénient de la roideur et de l’affectation qui en sont inséparables ; inconvénient que l’on est plus ou moins exposé à rencontrer dans tout ouvrage où cette même troisième personne est employée, depuis les Commentaires de César jusqu’à l’autobiographie d’Alexandre le réformateur.

Il faudrait que je me reportasse au temps de mon jeune âge, si je voulais parler ici de mes premiers exploits de conteur. Mais je crois que quelques-uns de mes vieux condisciples pourraient encore attester que j’avais, fort jeune encore, une réputation distinguée en ce genre de talent. Alors les applaudissements de mes compagnons me dédommageaient des disgrâces et des punitions qu’encourait le futur romancier, pour avoir été paresseux et pour