Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/326

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le tabouret, afin que le geôlier pût enlever avec plus de facilité le dernier anneau qui renchaînait, « j’ai entendu dire pareille chose ; j’ai ouï parler d’êtres qui, sous une apparence de gravité, mais pleins de conseils subtils qu’ils donnent avec art aux faiblesses humaines, hantent les cellules des hommes désespérés, et leur font plus d’une belle promesse, à condition qu’ils quitteront pour leurs voies détournées le sentier du salut. Tels sont les agents les plus chers du démon, et c’est sous ce déguisement que le démon lui-même s’est montré au nom de Dieu. Vieillard, si tu es un être humain, retire-toi ! Je n’aime ni tes paroles ni ta présence ; je méprise tes conseils, et fais bien attention, » ajouta-t-il en le menaçant, « je serai libre tout à l’heure.

— Jeune homme, reprit le pèlerin en croisant ses bras sous son manteau d’un air dédaigneux, « je méprise tes menaces ; je ne te quitterai que lorsque nous nous connaîtrons mieux.

— Et moi aussi, dit Damien, je veux savoir si tu es homme ou démon ; et à l’épreuve maintenant ! » Comme il parlait, le dernier fer tomba de sa jambe et résonna sur le pavé ; et au même moment il s’élança sur le pèlerin, le saisit par le corps, et s’écria, en faisant trois efforts désespérés pour l’enlever et le jeter par terre la tête la première : « Voici pour avoir calomnié un noble gentilhomme, ceci pour avoir douté de l’honneur d’un chevalier, et ceci (en faisant un effort encore plus violent) pour avoir mal parlé d’une dame ! »

Chaque tentative de Damien semblait assez forte pour déraciner un arbre ; elles ébranlèrent le vieillard, mais ne purent le renverser ; et tandis que Damien reprenait haleine après son dernier effort, le pèlerin s’écria : « Et toi, reçois ceci pour avoir si rudement secoué le frère de ton père. »

Comme il parlait, Damien de Lacy, le meilleur lutteur des jeunes gens du Cheshire, fit une chute violente sur le carreau du cachot.

Il se releva lentement et tout étourdi ; mais le pèlerin avait jeté bas son capuchon et sa dalmatique, et ses traits, quoique changés par l’âge et le climat, étaient ceux de son oncle le connétable, qui dit avec calme : « Je crois, Damien, que tu es devenu plus fort, ou moi plus faible, depuis que nous nous sommes essayés l’un contre l’autre dans le jeu célèbre de notre pays. Ton dernier coup m’a presque renversé ; heureusement je connaissais le croc-en-jambe des de Lacy aussi bien que toi. Mais pourquoi t’agenouiller,